Huguette Gasmeur est alliée du Mouvement ATD Quart Monde dans le Nord-Pas-de-Calais. Elle témoigne du quotidien dans la Maison Quart Monde de Lille, qui propose écoute et accompagnement aux personnes concernées, notamment dans leurs démarches administratives et l’application de leurs droits.
« J’ai sonné car sur la porte était écrit ‘Droits de l’homme’ » m’a dit un jour un jeune Malien en quête de soutien pour l’obtention de ses papiers. Mais la plupart de ceux qui y viennent connaissent la Maison Quart Monde ou ont été orientés par la famille ou des amis.
Ce sont des femmes, des hommes seuls, souvent jeunes, le visage portant les marques laissées par la rudesse de leur vie, les vêtements fatigués et dans le sac un jugement d’expulsion, une convocation par les services de la protection de l’enfance, une menace de saisie par l’huissier, ou un avis de coupure d’électricité. Et tous ceux qui ne sont pas branchés informatique alors que les démarches administratives l’exigent.
Ces personnes sont reçues sur rendez-vous par un membre du Mouvement, une stagiaire ou par moi-même. Actuellement les stagiaires sont trois : Eva, Julie, Océane (en fin d’étude d’assistante sociale). L’écoute est l’essentiel de notre travail, le temps d’écoute n’est pas limité et peut durer une heure voire plus. La personne peut parler sans crainte d’être jugée car l’entretien est bienveillant, chaleureux ; souvent agrémenté d’un café. Notre rôle est de permettre à la personne de trouver elle-même la réponse à ses problèmes. Bien sûr nous démêlons le “sac de nœuds“, nous traduisons les termes administratifs, nous activons notre réseau de partenaires, nous instruisons des dossiers, tel le DALO (droit au logement opposable), nous interpellons la CAF, la mairie, le CCAS, le département…
La personne concernée est associée aux démarches, elle entrevoit des pistes à suivre, elle a été informée des conséquences de telle ou telle décision mais en fin de compte c’est elle qui décide. C’est quelquefois simple : demander l’échelonnement d’une dette ou sa remise gracieuse, prendre un rendez-vous à la CAF, demander le passage à son domicile d’un inspecteur d’hygiène. Mais quelquefois c’est compliqué : refuser dans le cadre du DALO un logement qui ne correspond pas à tous ses critères est lourd de conséquences car ce refus ferme la porte du logement social pour des années alors que l’expulsion menace.
Nous sommes bien sûr désemparés, voire en colère, mais ce sentiment ne dure pas car nous respectons la règle que nous nous sommes donnée : ne pas laisser tomber et continuer à soutenir la personne dans la direction qu’elle a prise.
Ces rencontres génèrent souvent de la souffrance, mais aussi des moments pleins de joie et d’humour. En tout cas, elles sont fertiles, pleines d’enseignement, et extrêmement riches en humanité. Huguette Garsmeur
Article issu du dernier numéro de Solidarités Quart Monde, le journal édité par l’équipe du Nord-Pas-de-Calais.