L’association Oxfam s’est intéressée aux conséquences de la crise du Covid sur les inégalités, dans son rapport annuel publié le 25 janvier. À cette occasion, elle a organisé une conférence en ligne à laquelle la présidente d’ATD Quart Monde, Marie-Aleth Grard, était invitée.
“Les 1 000 personnes les plus riches du monde ont retrouvé leur niveau de richesse d’avant la pandémie en seulement neuf mois, alors qu’il pourrait falloir plus de dix ans aux personnes les plus pauvres pour se relever des impacts économiques de la pandémie”, constate l’ONG Oxfam dans son rapport annuel.
En France, comme partout dans le monde, la crise du Covid est “une espèce d’accélérateur des inégalités. C’est dévastateur, parce que les plus vulnérables deviennent encore plus vulnérables. La pandémie de coronavirus est venue frapper un monde déjà profondément inégalitaire” , souligne sa présidente, Cécile Duflot, à l’occasion d’une conférence en ligne organisée le 27 janvier. “Cette crise vient renforcer les fossés, les déséquilibres du monde tel qu’on le connaissait en janvier 2020, au moment où la crise arrive”, ajoute Lucas Chancel, co-directeur du Laboratoire sur les inégalités mondiales.
Un nombre toujours plus élevé de personnes doivent ainsi faire face à un « cumul de précarités, c’est-à-dire avoir un souci dans le domaine du logement, de l’emploi, de la santé, de l’éducation. Dans le domaine des droits en général et, hélas, cela dure », souligne la présidente d’ATD Quart Monde, Marie-Aleth Grard.
Un lourd tribut pour les femmes et les jeunes
Les femmes sont parmi les plus durement touchées, comme le rappelle Dafna Mouchenik, directrice de LogiVitae, une structure d’aide à domicile. Elle rappelle que les professionnelles de l’aide à domicile, majoritairement des femmes, “ne sont pas du tout connues et reconnues” et qu’elles ont été “oubliées dans tous les dispositifs mis en place” en 2020.
Les jeunes payent également “un lourd tribut dans cette crise”, indique Marie-Aleth Grard. “Il y a eu un certain nombre de mesures prises, des petits chèques par-ci, des petits chèques par-là ou des propositions de repas à 1 euro au restaurant universitaire. Mais les jeunes qui sont sortis du système scolaire sans aucun diplôme ont été oubliés de toutes les politiques”, regrette-t-elle, rappelant qu’ils sont 100 000 chaque année. “On ne peut pas laisser ces millions de jeunes sans rien.[…] Il faut les soutenir pour avoir un revenu minimum décent, et ce n’est pas avec le RSA actuel qu’on peut dire qu’on a un revenu minimum décent. C’est au moins 850 euros par mois.” Elle précise ainsi qu’ATD Quart Monde est favorable au RSA pour les moins de 25 ans, à condition que cela soit “assorti d’un droit à l’accompagnement dans la durée”.
Pour Marie-Aleth Grard, “on peut développer toutes les Garanties jeunes et tous les dispositifs que l’on veut, mais ces jeunes qui vivent dans la grande précarité, s’il n’y a pas des professionnels qui prennent du temps pour aller les chercher, les accompagner dans la durée, leur proposer des formations qui leur conviennent vraiment et les soutenir au départ dans ces formations, cela ne marchera pas, et on les laissera sur le bord du chemin”.
« Les paroles ne suffisent pas »
Mais cette situation “n’est pas une fatalité”, selon Cécile Duflot. La présidente d’Oxfam estime ainsi qu’une “marge de manœuvre existe” dans les décisions de politique publique et qu’il est possible “d’imaginer une redistribution”. “Il y a vraiment une impasse dans les choix actuels du gouvernement, qui est celle de la lutte contre les inégalités. Les paroles ne suffisent pas, il faut des actes”, affirme-t-elle. Un constat partagé par tous les participants de cette table-ronde. Marie-Aleth Grard constate ainsi que la volonté affichée, en septembre 2018, “d’éradiquer la pauvreté à hauteur d’une génération” s’est “effacée complètement” dans le plan de relance annoncé en septembre 2020, qui ne consacre qu’1 % à la lutte contre la pauvreté. “Ce sont des miettes pour les plus pauvres. Ce n’est pas comme cela que nous allons éradiquer la grande pauvreté dans notre pays”, dénonce-t-elle.
Et si des mesures fortes sont attendues de la part du gouvernement, notamment en matière de construction de logements, la présidente d’ATD Quart Monde souligne que “chacun de nous doit agir”. Elle appelle donc à “battre en brèche les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté” et invite chacun, “au quotidien, dans son quartier, dans son travail, à faire attention à toute personne qui semble ne pas arriver à s’en sortir”.