Dans le cadre de son stage pour six mois au sein d’ATD Quart Monde à Montreuil, Thaïs a participé en tant qu’accueillante à un séjour au sein de la maison de vacances familiales de La Bise, dans le Jura.
Chargée notamment de la rédaction du rapport moral d’ATD Quart Monde, Thaïs a quitté son bureau du centre national du Mouvement, à Montreuil, pour partir cinq jours dans le Jura. Début février, elle a rejoint Mesnay, pour être accueillante durant un séjour de vacances. Depuis 1978, La Bise y accueille des familles qui ne sont encore jamais parties en vacances, mais aussi des personnes seules en situation d’exclusion, très isolées ou vivant à la rue. Ce séjour, réalisé en partenariat avec l’association Mille parcours, qui soutient les femmes victimes de violences dans un contexte migratoire, accueillait six femmes avec leurs enfants.
Thaïs a d’abord été marquée par le cadre magnifique où se trouve cet ancien moulin reconverti en immense maison de vacances familiales. Arrivée un jour avant les familles, pour prendre le temps de découvrir l’équipe de volontaires permanents sur place et les deux autres accueillants, elle a découvert “l’ambiance bienveillante et accueillante du lieu qui ressemble plus à une maison familiale, avec ses meubles anciens, qu’à un établissement d’accueil collectif”.
Interrogation sur le positionnement
Alors que La Bise était encore plongée dans le calme, avec pour seul bruit l’eau de la Cuisance qui coule au fond du jardin, Thaïs s’est sentie un peu inquiète. “J’avais une grande interrogation sur mon positionnement. J’ai une formation d’éducatrice spécialisée et j’ai rencontré des femmes exilées dans le cadre de mon travail. Avec elles, j’avais mis une barrière professionnelle, il fallait donc que je change mon regard. J’avais bien compris qu’il n’était pas question ici d’accompagnement, mais je ne savais pas comment j’allais faire pour me sentir vraiment à l’aise et les voir comme des personnes avec qui je partais simplement en vacances.” L’équipe sur place l’a rassurée et lui rappelé que son rôle d’accueillante était de “passer des vacances, de discuter, d’apporter un soutien aux mères avec leurs enfants, pour qu’elles puissent aussi profiter des différentes activités, de faire des photos et d’aider pour les tâches ménagères”.
Ses interrogations ont vite été balayées et les barrières sont tombées lors de l’arrivée des familles, avec “un flot d’énergie” des enfants notamment. Chacune et chacun a assez spontanément trouvé sa place, profitant des activités proposées, des balades sur les plateaux jurassiens ou du repos dans le jardin en observant les ânes et les lapins, et de la bonne cuisine préparée chaque jour par Augustin, cuisinier parisien venu proposer son aide pour la semaine. Chaque matin, les accueillants se retrouvaient à 7h pour faire un bilan de la veille et préparer la journée. “J’ai beaucoup aimé la philosophie de la maison. L’équipe de volontaires permanents nous demandait de partager les événements de chaque jour avec un regard positif. C’est une manière de voir qu’on ne nous apprend pas souvent et ce prisme positif m’a beaucoup plu”, explique-t-elle.
Des moments d’échanges
Au cours du séjour, Thaïs a particulièrement apprécié la visite d’une chèvrerie et le spectacle proposé le deuxième soir par la fanfare Les Play-Mobiles, à laquelle participe Linda, l’une des volontaires permanentes de l’équipe. “La Bise fait un travail important avec les personnes qui partent en vacances, mais aussi avec tout le tissu social des personnes de la région. Cela permet de faire se rencontrer des personnes qui ne se rencontreraient dans aucun autre cadre, de s’ouvrir aux autres. Ce sont des moments d’échanges sur des réalités de vie qui n’ont rien à voir. C’est très riche pour tout le monde”, souligne-t-elle.
La jeune étudiante, actuellement en master 2 en sciences sociales, a été touchée par la manière dont les familles “se remettent à rêver et à se projeter loin du quotidien difficile” pendant ces quelques jours de séjour. “Elles n’avaient pas forcément le projet de partir en vacances, et pourtant, à la fin, elles posaient des questions pour savoir comment revenir ou partir en vacances ailleurs avec leurs enfants. Cela leur a donné la possibilité de voir qu’il pouvait exister autre chose derrière leurs réalités, qu’elles pouvaient être pour une fois regardées comme tout le monde et partir en vacances”, détaille-t-elle. Une phrase est revenue quasiment chaque jour dans la bouche des enfants : “c’est la meilleure journée de ma vie”.
Elle conseille à toutes et tous de proposer du temps à La Bise pour devenir accueillant. “On y va pas forcément pour se reposer, mais le cadre est reposant et magnifique. Cela fait du bien de partager du temps avec des personnes qui vivent d’autres choses, mais aussi, dans le climat actuel, avec des personnes qui pensent comme nous et sont sensibles au fait de soutenir le droit aux vacances pour toutes et tous”, estime-t-elle. La “philosophie inspirante de la Bise” et le regard positif qu’elle a été invitée à porter pendant ces quelques jours l’accompagnent désormais et la font réfléchir à la possible création future d’un lieu de rencontres similaires.