À Châtillon, près de Paris, des alliés d’ATD Quart Monde interviennent dans des écoles primaires, mais aussi des centres de loisirs et à la médiathèque pour permettre aux enfants de débattre autour de thèmes de société et ainsi “dépasser les préjugés”.
“Vous vous souvenez des règles de l’atelier ?”, demande Jocelyne aux onze enfants assis en cercle autour d’elle. Adalya, Mady, Sultan et Jean répondent en chœur : “On ne se moque pas. On ne peut parler qu’avec le bâton de la parole. Même si on ne parle pas, on réfléchit au sujet”. Dans cette classe de CE2 de l’école Langevin Wallon, répartie en deux groupes, le rendez-vous avec des membres d’ATD Quart Monde est devenu un rituel : tous les quinze jours, ils se retrouvent autour d’un thème pour “réfléchir et échanger”.
Pour les enfants, c’est “un moment de liberté de parole au cours duquel ils apprennent à s’écouter et à exprimer des opinions personnelles sur des grandes questions humaines pour lesquelles même les grandes personnes n’ont pas une seule réponse”, explique Jocelyne, qui est à l’origine de cet atelier, organisé depuis 2021. Les thèmes abordés sont très variés : “c’est quoi un ami ?”, “qu’est-ce que la vraie richesse ?”, “pourquoi les humains ont-ils peur de ce qui est différent ?”…
Le 18 octobre dernier, le dialogue portait sur l’égalité entre les filles et les garçons. Chacun endosse son rôle avec sérieux : une élève donne le bâton de la parole à ceux qui lèvent la main pour parler, un autre devient le “grand témoin” et a pour mission d’écrire ce qui lui semble important, puis de le restituer aux autres à la fin. Ils écoutent tous en silence la lecture de l’album Brindille, de Rémi Courgeon, l’histoire d’une petite fille frêle qui s’affirme face à ses trois frères en prenant des cours de boxe.
Profondeur des réponses
Les élèves se lancent ensuite pour dire ce que leur inspire cette histoire et évoquer les inégalités de genre. “Une fille et un garçon, c’est un peu pareil, mais ils n’ont pas les mêmes droits”, regrette une petite fille. “Beaucoup de filles veulent pratiquer les arts martiaux, parce qu’elles en ont marre que les garçons se moquent d’elles”, ajoute une autre. “On est tous différents de toute façon, mais chacun est unique. On est tous dans la catégorie des êtres vivants, on est humain”, souligne une troisième. Les adultes n’interviennent que pour recentrer le débat ou préciser le sens de certains mots.
Au bout d’une heure, le “grand témoin” reprend ses notes pour transmettre à ses camarades ce qu’il a retenu : “On s’en fiche si on est différent, on peut jouer ensemble, on peut s’aider”. Tous les enfants approuvent cette conclusion, puis Jocelyne fait le bilan de l’atelier avec eux.
Lylou et Chloé, toutes deux étudiantes et stagiaires à ATD Quart Monde pour cette action, sortent de chaque atelier avec beaucoup d’enthousiasme, étonnées par la profondeur des réponses des enfants. “Les élèves se penchent ainsi sur toutes les questions qui se posent dans la société. Ils évoquent la justice, les injustices, les préjugés et nous font parfois comprendre ces questions sous un angle nouveau”, soulignent-elles. “Apprendre à regarder le monde avec les yeux des autres permet de faire ressortir la complexité, de dépasser les préjugés et d’aborder les situations parfois difficiles du quotidien avec plus de nuances”, constate Jocelyne, qui se réjouit de voir certains élèves sortir de la classe en continuant à débattre.
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de décembre 2022.
Photo : Lecture aux élèves de CE2 de l’album Brindille. © ATD Quart Monde