La dynamique Accès aux droits d’ATD Quart Monde propose, dans un rapport, des solutions pour améliorer les relations entre les Caisses d’allocations familiales et les personnes en situation de grande pauvreté.
En janvier dernier, Le Journal d’ATD Quart Monde a lancé un appel à témoignages autour des relations entre les CAF et les personnes en situation de grande pauvreté. En parallèle, la dynamique Accès aux droits a créé un questionnaire auquel 32 personnes ont répondu, et a réuni, en février, une quarantaine de membres du Mouvement. Le travail mené autour de ces témoignages permet de dresser un constat alarmant : “On est en train d’éloigner de plus en plus de personnes des services publics et c’est dramatique. Il faut remettre de l’humain pour faciliter l’accès aux droits, avec des outils numériques qui sont au service de tout le monde”, souligne Bruno Rakedjian, coordinateur national de la dynamique Accès aux droits.
Numérisation à outrance
Les obstacles semblent en effet nombreux pour permettre aux personnes d’accéder à leurs droits, mais aussi à une information claire. “On constate une déshumanisation avec la numérisation à outrance et la dématérialisation des procédures, des délais très longs pour les démarches, une réelle difficulté pour avoir au bout du fil ou rencontrer des personnes qui ont le pouvoir de dénouer des situations souvent complexes, des ruptures de droit ou la réclamation de trop-perçus qui laissent les personnes sans ressources et dans des situations impossibles”, détaille Ugo Ziccarelli, stagiaire d’ATD Quart Monde et co-rédacteur du rapport.
La quasi-totalité des personnes interrogées indiquent en outre qu’elles n’ont jamais eu d’informations de la part des agents sur des prestations auxquelles elles pourraient avoir droit. La plupart ont également subi comme une injustice des décisions brutales de la CAF. Cette dernière peut en effet parfois “couper les prestations en cas de changement de situation ou de suspicion de fraude, souvent sans donner d’explications détaillées, voire sans même en informer l’ayant droit qui le découvre en constatant l’absence de virement sur son compte. Il n’y a pas de phase contradictoire dans cette prise de décision”, souligne Bruno Rakedjian. Et si l’accès aux droits n’est pas toujours facilité, la suspicion de fraude, elle, est souvent bien présente.
Améliorer la lisibilité
De ce travail ressortent douze propositions. Les algorithmes, aujourd’hui utilisés par les institutions pour noter les allocataires sur la base de leur situation économique et sociale et ainsi mieux les contrôler, pourraient plutôt être utilisés pour soutenir les conseillers et permettre aux personnes d’accéder à l’ensemble de leurs droits. “Il pourrait par exemple y avoir des alertes proposées aux conseillers sur les droits auxquels la personne peut prétendre. Ces données pourraient aussi permettre de traduire en phrases compréhensibles, dans les courriers, pourquoi telle prestation est versée ou tel trop-perçu est réclamé”, explique Ugo Ziccarelli. Le rapport préconise un test dans quelques CAF pour améliorer la lisibilité des dispositifs.
Des mesures très concrètes sont également proposées, comme la mise en place, dans toutes les CAF, d’accueils assurant réellement la confidentialité ; la prise de contact avec les allocataires avant la coupure de toute prestation ; mais aussi la reconnaissance du droit à l’erreur ; l’harmonisation des procédures partout en France ; et surtout l’augmentation du nombre d’agents pour “remettre du lien direct entre les ayant droits et les personnes qui déclenchent les droits”. L’objectif est désormais de porter ces propositions auprès des institutions pour, selon Bruno Rakedjian, “faire évoluer les systèmes actuels dans un dialogue constructif pour permettre un meilleur accès aux droits”.
Lire le rapport 12 propositions pour de meilleures relations des CAF avec les personnes en situation de grande pauvreté
Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de septembre 2023.
Photo : La Caisse d’allocations familiales d’Angers. © Clémence Mahé