Les sénateurs ont rejeté, mercredi 20 janvier, une proposition de loi “relative aux droits nouveaux dès 18 ans”, visant notamment à étendre le RSA aux jeunes. Interrogé par la rapporteure du texte sur cette disposition, ATD Quart Monde pointe la nécessité d’une ouverture des minima sociaux dès 18 ans avec un accompagnement inconditionnel.
“Environ 30 % des actifs de moins de 25 ans sont au chômage. Un jeune de moins de 25 ans sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, soit 1,5 million de personnes.” Ce constat est dressé par le sénateur socialiste Rémi Cardon, lors du débat en séance publique de la proposition de loi visant à ouvrir le bénéfice du RSA dès 18 ans. La mesure pourrait bénéficier à 1,4 million de jeunes majeurs, pour un coût net estimé à 5,8 milliards d’euros. Malgré l’urgence soulignée par le sénateur en raison de la crise sanitaire, 232 sénateurs ont voté contre ce texte, et 93 pour.
Sollicité par la rapporteure du texte Monique Lubin, ATD Quart Monde rappelle sa position dans un document envoyé aux parlementaires en début d’année 2021. Le Mouvement est ainsi “favorable à l’ouverture des minima sociaux dès 18 ans, ainsi qu’à un droit inconditionnel d’accompagnement dans la durée”. Il ne s’agit donc pas de demander “un RSA jeunes, qui serait synonyme de contractualisation, mais réellement d’une citoyenneté civique dès 18 ans”.
L’accompagnement inconditionnel doit permettre aux jeunes “de pouvoir se projeter, faire pas à pas la démarche de s’insérer dans la société, avec la possibilité d’accidents”. L’absence de revenu minimum pour les moins de 25 ans “les prive des moyens nécessaires pour être en mesure de postuler à un emploi : tenir debout, s’habiller, se transporter, être propre, être rasé, avoir un stylo, un mail, une adresse, un compte en banque, sans même parler de passer son permis”. Pour ATD Quart Monde, “ce sont des préalables qui sont une évidence pour les personnes insérées dans la société, mais peuvent se révéler des obstacles insurmontables pour les jeunes qui vivent les situations d’exclusion”.
Le Mouvement préconise en outre “un accompagnement et le maintien des droits des jeunes sortis de l’Aide sociale à l’enfance jusqu’à leurs 21 ans comme un droit inconditionnel, non contractualisé”, ainsi qu’une “harmonisation à l’échelle nationale des politiques jeunesse, pour éviter les disparités territoriales”.
Des dispositifs pas adaptés pour tous
Défavorable à la proposition de loi, le gouvernement a souligné au cours de son examen “préférer encourager la formation et l’accès à l’emploi, complétés par le versement d’une allocation pour les plus précaires”. Le secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités, Adrien Taquet, a ainsi cité la Garantie jeunes et les “mesures exceptionnelles” destinées aux jeunes en 2020. ATD Quart Monde juge cependant que “la Garantie jeunes est un dispositif qui a des résultats positifs, mais qui n’est pas encore adapté aux jeunes les plus en difficulté”. Faute d’adresse ou de compte en banque, certains jeunes en sont en effet exclus, tout comme ceux qui ne sont pas en capacité de se rendre dans une mission locale. Les contraintes de présence, et notamment les quatre à six semaines de travail en groupe en présentiel, sont par ailleurs “difficiles à tenir pour des jeunes décrochés et précaires”.
Les témoignages reçus par le Mouvement montrent ainsi qu’à “chaque faux pas, le jeune peut être exclu du dispositif” ou perdre un mois de Garantie jeunes “pour avoir travaillé simplement deux jours en intérim par exemple”. Ce dispositif implique en outre que les jeunes doivent “constamment rendre des comptes”. Pour ATD Quart Monde, “la méfiance et les idées reçues sur les jeunes pauvres ne peuvent pas être la base de nos dispositifs d’insertion”.
Les aides exceptionnelles accordées aux jeunes depuis le début de la crise sanitaire, comme les 150 euros octroyés aux étudiants boursiers et bénéficiaires des APL de moins de 25 ans, “n’ont absolument pas bénéficié aux jeunes les plus en difficulté”, précise par ailleurs ATD Quart Monde. Il s’agit en outre d’aides ponctuelles, qui ne permettent pas aux jeunes “d’entamer une démarche émancipatrice et d’insertion sur le marché du travail”.
Le Mouvement rappelle enfin aux sénateurs que “la poursuite et l’intensification de la précarisation des jeunes les plus en difficulté se faisaient ressentir dès avant la pandémie”. Au-delà de la situation sanitaire actuelle, il est donc indispensable de prendre des décisions en faveur des moins de 25 ans, car “une démarche d’insertion des jeunes nécessite une stabilité tant matérielle qu’en termes de soutien humain”.