À Noël-Cerneux, dans le Doubs, l’association l’Étoile de Saint Ferjeux et ATD Quart Monde ont permis à six enfants qui vivent la grande pauvreté de partir en colo en octobre 2023.
Il aura fallu l’engagement sans faille de ces deux associations et de militants, d’un volontaire permanent du mouvement ATD Quart Monde, pour y parvenir. Car pour permettre aux enfants exclus d’accéder aux colos, les sites internet, catalogues, démarches en ligne et autres dispositifs publics ne sont d’aucun secours.
La colo n’est pas un lieu de vacances pour les parents vivant dans la grande pauvreté. Lorsque, dans leur parcours de vie, les familles ont vécu la stigmatisation, le jugement sur leur éducation, les convocations humiliantes et des rapports compliqués avec les institutions, comment laisser sereinement son enfant partir ? ATD Quart Monde rappelle depuis longtemps que les vacances doivent d’abord être un temps de partage en famille, loin des craintes et difficultés quotidiennes. Pour que les personnes en situation de pauvreté acceptent le départ en colo, pour qu’il soit bien vécu, il leur faut avoir la certitude que leurs enfants vivront un temps agréable, en toute confiance.
Engagement et empathie
Le philosophe Guillaume Le Blanc rappelle que “les pauvres sont assignés à l’invisibilité, ou alors, ils ne deviennent visibles que depuis l’institution de soin social qui s’empare d’eux pour les traiter”. La colo apprenante est ce type de dispositif pensé, construit, animé et financé uniquement pour les pauvres et avec une vision incomplète de ce que les parents attendent des vacances pour leurs enfants. Que penser d’une institution “apprenante” où les encadrants sont inconnus et ne connaissent pas ou peu la vie des pauvres ?
À l’Étoile de Saint-Ferjeux, pas de colos apprenantes. Avec ATD Quart Monde, six enfants de 6 à 8 ans sont partis, pour la première fois, avec un volontaire permanent connu. Pour financer le séjour, la solidarité des associations et les dons, il n’existe aucune aide financière pour ces familles hors colos “apprenantes”. Le droit aux vacances pour ces enfants est à ce prix : celui de l’engagement humain, de l’attention portée à l’autre sans jugement, de l’empathie, du temps et de la qualité de la relation pour se faire confiance.
Encore faut-il que les organisateurs prennent le risque de cette relation, et osent être bousculés par un milieu qu’ils ne connaissent pas. Ce n’est pas de tout repos, mais c’est à cette condition que les vacances pourront être un temps de détente et de formation pour tous les enfants.
Jean-Michel Bocquet
Cet article a initialement été publié dans Le Journal de l’Animation et est reproduit ici avec leur accord.