La chronique de Bella Lehmann-Berdugo
Un triomphe
Emmanuel Courcol. Fiction. France. 1er septembre.
Un acteur sur le déclin mène un cours de théâtre en prison. Malgré des freins, les détenus se prennent au jeu. En effet,pour jouer En attendant Godot, qui mieux qu’eux incarnerait l’attente ? La pratique
artistique comme chemin d’émancipation. Des dialogues bien sentis, des scènes jubilatoires. Inspiré d’une histoire vraie, en Suède.
One more jump
Emanuele Gerosa. Italie. Documentaire. 8 septembre.
Dans les terrains vagues de Gaza, Jehad entraîne des adolescents au sport acrobatique, le Parkour (né dans les banlieues françaises en 1990). Voltiger, se dépasser, se sentir (presque) libre. Lui attend son visa pour tenter sa chance d’athlète en Europe, tandis qu’Abdallah, son ami et le fondateur du Gaza Parkour, est en Italie. Seul, il s’entraîne n’importe où puis affronte une compétition en Suède. La part belle est faite aux lieux particuliers, aux acrobaties vertigineuses et aux « visages-paysages » des deux
jeunes gens, empêchés de vivre leur jeunesse, de croire à leur chance.
La nuit des rois
Philippe Lacôte. Fiction. France/Côte d’Ivoire/Sénégal. VOST. 8 septembre.
A la Maca, immense prison d’Abidjan, le roi Barbe-Noire se meurt. Ancien caïd contesté, il désigne Roman fraîchement interné pour raconter des histoires aux prisonniers le temps d’une nuit, celle de la lune rouge. Pour ne pas mourir, le jeune griot improvise, se prend au jeu. De ses propres expériences aux côtés des sbires de Zama King, le gang des “microbes”, adolescents des quartiers populaires, il tire un conte réaliste et violent. Il puise aussi dans l’histoire des anciens royaumes du pays, pétrie de mythes, de légendes et de magie. Tout autour du roman, les esprits agités s’abandonnent, les corps enfermés, sculptés de neuf, s’animent, miment ou dansent les mots ; les voix murmurent en écho ou chantent à l’unisson. Dehors sous la lune, au-dessus des forêts, des palais en bois, aux lisières de l’océan, on entend la poésie qui marche.
Une fois que tu sais
Emmanuel Cappelin. Documentaire. France. 1h44. 22 septembre.
A partir d’une prise de conscience personnelle profonde, l’auteur part à la rencontre de divers scientifiques reconnus mais aussi de gens anonymes experts en survie, précaires qui n’ont jamais goûté au gâteau du progrès. Avec des longueurs d’avance, ils ont inventé des façons de vivre en univers contraint.
Notturno
Gianfranco Rosi. Italie. Documentaire. 22 septembre.
Un voyage transfrontières entre Kurdistan, Syrie, Irak, Iran, sans que l’on ne sache jamais précisément
où l’on est. Des femmes pleurant leur enfant mort, des prisonniers en habit rouge formant une chenille écarlate, de jeunes soldates au repos, du théâtre en hôpital psychiatrique, une famille nombreuse sans père. Nul mot. De longs plans à l’esthétique très recherchée, parfois jusqu’au malaise.
Puis des enfants dessinent Daech et racontent l’irracontable. C’est la vie ordinaire de personnes ordinaires et leur extraordinaire vitalité, mises ici en lumière, aux frontières de l’enfer. Loin des puissants qui décident les guerres.
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