La chronique de Bella Lehmann-Berdugo
Le périmètre de Kamsé
Olivier Zuchuat. Documentaire. Suisse. VOST. 27 octobre.
Au fin fond du Burkina Faso, des femmes courageuses et une poignée d’hommes tentent, avec ingéniosité et patience, de refertiliser leurs terres devenues désertiques. Conseils de villages intergénérationnels, respect mutuel, organisation, ténacité, pragmatisme. Sans discours, de très beaux plans d’un monde menacé où l’animal, le végétal vivent encore en bonne intelligence.
Haute couture
Sylvie Ohayon. Fiction. France. 10 novembre.
Jade, 20 ans, un peu à la dérive, dérobe le sac d’Esther, première d’atelier chez Dior, bientôt à la retraite, issue comme elle d’un milieu ouvrier. La jeune fille a des doigts effilés comme des plumes, Esther la prend en stage. Elle veut lui transmettre un vrai travail et non un boulot. Quelques clichés égratignés, d’autres scènes plus caricaturales. Des dialogues bien ciselés. Deux femmes fortes et attachantes.
Partir
Mary-Noël Niba. Documentaire. France. VOST. 10 novembre.
Après plusieurs années d’exil en Europe, des hommes reviennent au pays avec toutes les difficultés que cela suppose. Un seul résiste et reste. Des situations, des confidences, des réflexions nuancées, trop peu souvent montrées à l’écran.
Marcher sur l’eau
Aïssa Maïga. Documentaire. France/Niger. VOST. 10 novembre.
Au Niger, à Tatiste, campement semi-nomade, “la terre est en train de tituber”. L’eau manque dès le début de la saison sèche, le puits éloigné ne comble plus les besoins. Les hommes partent pour trouver des pâturages, les femmes aussi pour vendre leurs médicaments naturels. Les enfants restent seuls sous la garde des aînés. Houlaye, 14 ans a la lourde responsabilité de ses petits frères. Tous attendent désespérément un forage, grâce au soutien d’une ONG (le film est né de ce projet).
Chronique du village au fil des journées et des saisons, autour des femmes et des enfants, perpétuellement en route vers le maigre puits. Et l’on comprend bien : pas d’eau, pas de santé, pas d’éducation, pas d’émancipation des femmes. Sur le visage de Houlaye passent la tristesse, le rêve, parfois des sourires. La figure de l’instituteur est très importante : il explique la situation, l’importance de l’hygiène, fédère les enfants et les femmes, sert de messager grâce à sa moto. Des instants “volés au réel”, d’autres “suggérés” aux protagonistes, des portraits, des bêtes, des paysages cadrés avec une grande recherche esthétique et un réel désir d’alerter davantage sur le changement climatique et ses conséquences concrètes, encore loin de nos consciences.
Pour en savoir plus, pour participer chacun à sa mesure, ou pour organiser des projections : https://marcher-sur-leau.lefilm.co/
Loin de vous j’ai grandi
Marie Dumora. Documentaire. France. Sortie 17 novembre 2021
À Schirmeck dans l’Est, Nicolas, 13 ans, fils de Sabrina (séparée du père) vit en foyer depuis la petite enfance. Il lit Homère et Jack London, il construit des cabanes dans la forêt proche où souvent il se ressource. Son ami, Saïf, est venu du Maroc par la mer ; avec patience et simplicité, ils parlent de tout. Bientôt les va-et-vient en train du foyer à la maison prendront fin car Nicolas pourra rentrer définitivement. Il retrouvera sa mère, ses (demi)-sœurs dont il est parrain et son beau-père bienveillant : “Dans la vie, y’a tout qu’est difficile”. La joie se mêle à l’appréhension. Il va falloir être à la hauteur de leurs espoirs : « Nous on n’a pas réussi à grand-chose dans la vie, il faut que toi t’arrives à quelque chose”.
Pour qui connaît la famille Müller, Yeniches (1) sédentarisés, il y a une connivence, mais il n’est pas nécessaire d’avoir vu les autres films (2). Les scènes prennent leur temps pour faire sentir avec sensibilité, sans commentaire ni jugement, avec de jolies musiques parfois, les ambiances, les non-dits, le poids du passé familial, les liens (avec la tante Belinda par exemple, avec les éducateurs) et au-delà de tout ça, la possibilité d’un avenir pour Nicolas. La réalisatrice poursuit une œuvre originale bien loin de la pure ethno-sociologie.
(1) Yeniches : peuples semi-nomades d’Alsace, Suisse ou Allemagne
(2) Belinda , 2017 présent au Festival du film ATD Quart Monde La pauvreté sans clichés.
Les graines que l’on sème
Nathan Nicholovitch. Fiction. France. 24 novembre
Accusée d’avoir tagué « Macron démission » au lycée, Chiara est morte en garde à vue, elle faisait partie de « ceux qui ne sont rien ». Ses amis se confient sur les violences en tout genre, sur le sentiment de peur qui, trop souvent, les étreint. À partir de faits réels, ils « jouent » une histoire exemplaire. Le film tire son originalité et sa force dans la frontière étroite entre fiction et réalité.
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