La chronique de Bella Lehmann-Berdugo
La fine fleur
Pierre Pinaud. Fiction. France.1h34. Sortie 30 juin.
La maison Vernet crée des roses de père en fille. Eve a donc hérité d’un jardin d’Eden autrefois florissant, aujourd’hui au bord de la faillite. Eve a dans le sang la passion de la perfection et le goût de la beauté pour les roses, pour les choses et pour les gens. C’est pour cela qu’elle n’aime pas Lamarzelle – faiseur de chiffre et non de fleurs-requin aux dents longues qui voudrait gober l’entreprise familiale, sans aucun état d’âme. Or, la fidèle assistante comptable dégote trois chômeurs jeunes et moins jeunes, en insertion, totalement bleus dans la profession.
Contre toute attente, c’est du fruit d’une “maladresse” que va éclore la perle qui sauvera la roseraie et lui rendra sa gloire d’antan. Et Eve trouvera peut-être un successeur prodige. Au passage, la comédie très enlevée (au diable certaines incohérences) égratigne de ses épines les grands groupes dévoreurs, l’agriculture intensive, les préjugés sur les gens précaires, vulnérables ou sans qualification officielle. C’est enlevé, pas anodin et ça fait du bien.
Bonne mère
Hafsia Herzi. Fiction. France. 1h39. Sortie le 21 juillet 2021. Sélection Un Certain regard, Cannes 2021.
Nora, la cinquantaine, nettoie les avions au sol avec des collègues chaleureux et elle assiste une dame âgée bienveillante. Elle apprécie cette deuxième famille. Dans les quartiers nord de Marseille, elle veille toute seule sur sa nombreuse famille. Autant dire qu’elle n’arrête jamais, toujours avec une philosophie souriante, en rêvant. A cela s’ajoutent les visites à son fils Ellyes, incarcéré pour braquage. Il faut payer l’avocate, renoncer à des soins et résister aux aléas.
Tous les rôles sont tenus par des non professionnels (sauf un) à commencer par Nora que la caméra caresse avec tendresse et admiration, sans emphase. Autour de Nora gravite un clan joyeux de jeunes femmes, entreprenantes, débrouillardes, courageuses, parfois naïves ou inconscientes, affranchies avant tout. Elles incarnent avec naturel une génération que la réalisatrice connaît bien, dont elle fait partie.
Elle rend ici hommage à sa propre mère et aux amies avec qui elle a grandi, dans les mêmes quartiers, avec les mêmes problèmes, où pourtant il n’y a pas que la violence qui règne. Dans la lumière méditerranéenne, dans la force des liens humains, elle les montre tels que, sans-faux semblants et sans jugement.
Sème le vent
Danilo Caputo. Fiction.Italie.1H31.VOST. 28 juillet.
Nica, 21 ans, abandonne ses études d’agronomie et rentre chez elle dans les Pouilles, en Italie du sud. Sa région natale est polluée par une énorme usine sidérurgique qui a transformé les paysans en ouvriers, les a rendus malades et précaires. Son père endetté va vendre leurs oliviers dévastés par un parasite. Elle voudrait sauver la terre et les arbres centenaires et cherche l’antidote. L’esprit de son aïeule la guide, peut-être sous la forme d’une pie apprivoisée. La jeune fille nourrie de science moderne et pétrie de savoirs traditionnels locaux incarne avec conviction les antagonismes d’un pays. Entre réalisme et magie, un nouveau cri d’alarme écologique et social au cinéma.
La métaphysique du berger
Michel Bernadat. Documentaire. France. 1h12. 28 juillet.
Boris, berger des temps modernes : (je suis comme) “une immense conscience dans le ventre de l’univers”. Trois mois en estive sur les hauts plateaux du Vercors, au milieu des brebis que lui confient des éleveurs. Cadrages très esthétiques, silences, ponctués d’haïkus, composés par lui-même. Là-haut, coupé des contraintes matérielles, familiales, tout paraît plus simple. Il ne chôme pas mais il met du sens dans chaque tâche. En fac de philo, il a senti qu’il voulait vivre sans s’extraire de son état naturel. Le film suit au plus près les actions et les pensées en devenir d’un jeune adulte d’aujourd’hui.
La fièvre
Maya Da-Rin. Fiction. Brésil. Sortie le 30 Juin. VOST.
À Manaus, port industriel au cœur de la jungle amazonienne, Justino, Amérindien, travaille comme vigile. Une fièvre étrange le saisit ainsi que certains habitants, tandis que l’on craint un animal sauvage en lisière de forêt. Le film oscille savamment entre réalisme social, la sourde aliénation des grandes cités, le racisme, les cultures traditionnelles, et symbolisme : la forêt, sanctuaire écologique en danger et refuge violé de peuples en perdition. Le visage placide ou triste de Justino, sa présence puissante, les liens profonds avec sa famille que la vie éloigne, tout cela incarne, avec une sensibilité muette, cette dualité d’aujourd’hui.
Rouge
Farid Bentoumi. Fiction. France. Sortie le 11 août.
Nour, infirmière consciencieuse, travaille dans l’usine chimique où son père est ouvrier de longue date. Une relation pleine de tendresse et de respect. De graves malversations éclatent lors d’un contrôle sanitaire. Cela l’oppose à son père, désormais en porte-à-faux avec les patrons. Le récit développe avec brio cette crise dans l’entreprise et dans la famille. Dans des décors industriels et naturels très esthétiques, les scènes baignent progressivement dans les camaïeux de rouge. Une tension dramatique et des acteurs « au top ».
Louloute
Hubert Viel. Fiction. France. Sortie le 18 août.
Louise, huit ans dans les années 80 au beau milieu de sa famille turbulente, avec un père agriculteur ravagé par les soucis financiers. Une famille dans toute sa splendeur où l’on chante, où l’on s’engueule, où l’on chuchote, où l’on fugue, où l’on s’aime. Des scènes très authentiques. Malgré des répétitions un peu laborieuses, les acteurs spontanés nous embarquent dans cette histoire paysanne où la vie n’est pas toujours rose et acidulée comme les décors du film.
Retrouvez ici d’autres films conseillés par Bella Lehmann–Berdugo