Avec le soutien d’une artiste, ATD Quart Monde organise des ateliers artistiques pour des familles Roms installées à Montreuil. L’occasion de stimuler leur créativité, mais aussi d’être « une petite mémoire » de leur inventivité.
Dès qu’elle voit arriver Valérie et Laurence, Sara sort de sa caravane en courant et en criant de joie. La petite fille vient de sortir de l’école et semblait attendre l’artiste Valérie Bouisson et la volontaire permanente d’ATD Quart Monde, Laurence Vilain. Toutes les deux viennent régulièrement le jeudi après-midi animer des ateliers dans ce camp réunissant une vingtaine de familles Roms, installé dans le Haut Montreuil. Il ne fait pas très chaud ce 14 décembre, mais Sara court partout pour se réchauffer. Deux autres petites filles s’approchent plus timidement et aident Valérie et Laurence à installer leur couverture. Puis Sara, Tabita et Raela regardent avec curiosité les instruments que Laurence sort de son sac à dos. Ce sera un atelier sonore aujourd’hui.
Valérie Bouisson a commencé à animer des ateliers avec ces familles Roms il y a six ans et les a accompagnées après plusieurs expulsions. “C’est parfois difficile comme relation, parce qu’on n’est pas du même monde. Mais comme je les ai suivies, je connais un bout de leur histoire. C’est comme si j’étais une petite mémoire pour eux”, explique l’artiste peintre. Elle a notamment gardé les dessins, peintures et photos réalisés au cours des ateliers et en a fait des petits carnets. “Ils étaient épatés de voir que j’avais tout gardé. Un jour où il n’y avait plus de papier, un enfant est allé chercher un carton de corn-flakes dans la poubelle, et en a fait un truc génial que j’ai gardé. Il était très touché.”
Beaucoup de jeunes filles connues au cours des premières années sont devenues mères, ce qui a donné envie à Valérie de faire un atelier photo avec elles. “Nous avons pris des super photos sous la pluie, puis les mamans ont peint par-dessus.” Ce projet est encore en cours, mais Valérie Bouisson a déjà en tête d’autres activités pour stimuler la créativité des participants. “Toute leur vie, ils pourront avoir le souvenir de ce moment créatif qui leur a fait du bien, qui les a valorisés”, explique-t-elle.
Valoriser la créativité
Bâton de pluie dans les mains, Sara essaye de refaire le rythme proposé par Laurence en riant aux éclats et en faisant des pirouettes sur la couverture verte. Plus posée, Raela s’applique à manier les claves. “On essaye de faire un dialogue entre les instruments. C’est un espace où ils peuvent découvrir eux-mêmes ce qu’ils peuvent faire, un moment où ils produisent quelque chose, sans qu’il n’y ait vraiment de direction fixée. Cela produit de l’écoute entre eux et leur donne de la confiance. La créativité, ils en débordent, mais ce n’est pas valorisé. Nous proposons un cadre où cela devient possible”, souligne Laurence Vilain.
Aucun atelier ne ressemble aux précédents. Les deux animatrices ne savent jamais combien d’enfants vont venir y assister, ni si la météo sera clémente. “On se soutient dans cette activité qui n’est pas toujours facile, pas vraiment gratifiante. Parfois il pleut, c’est difficile physiquement… Si j’étais seule et pas portée par toute la réflexion qu’ATD Quart Monde mène, je ne sais pas si j’aurais la force de continuer”, constate Valérie Bouisson.
La nuit tombe rapidement et seule Sara est encore là pour aider Laurence et Valérie à tout ranger. Peu à peu, ce bout de terrain enclavé derrière un supermarché et une zone industrielle retrouve le calme. Les enfants filent se réchauffer dans les caravanes, mais font promettre à Laurence et Valérie de revenir vite.