Du 28 au 30 avril, un Festival des savoirs et des arts a réuni plus de 200 personnes au Passage Comtois, dans le 8e arrondissement de Lyon. Création de lampes en bois, expériences scientifiques, couture, réparation de vélo, peinture… Toutes les personnes participantes ont révélé leur savoir-faire dans une ambiance festive.
« Ces journées resteront dans ma mémoire pour toute ma vie », s’exclame Ouardia, une habitante du Passage Comtois en se souvenant des trois jours du Festival des savoirs et des arts. Elle n’avait jamais vu son quartier aussi joyeux. D’habitude, elle ne sort pas beaucoup de son appartement et se dit « extrêmement timide ». Mais là, elle a animé un atelier de cuisine pour apprendre aux enfants à faire des pâtisseries orientales et elle a apporté de nombreux plats pour régaler tout le monde chaque jour. « Depuis, des voisins avec qui je n’avais jamais parlé, m’ont posé des questions sur mes recettes, on a échangé des idées… Cela faisait longtemps que je n’avais pas autant parlé et rigolé », affirme-t-elle, ravie d’avoir pu partager sa « joie de cuisiner, de créer, de jouer avec les ingrédients ».
Comme Ouardia, plus de 200 personnes sont venues chaque jour participer aux 30 ateliers animés par 60 bénévoles, dans cet endroit séparé du reste de la cité par une avenue. « Nous avons choisi d’être dans le Passage Comtois, là où les habitants ne sont jamais conviés aux événements du quartier. On voulait que les familles de ce passage soient au centre de l’événement. Ce sont principalement des familles en grande précarité et il y a deux foyers de personnes migrantes », explique Sophie Maréchal, volontaire permanente.
Faire ensemble
Pendant six mois, une dizaine de collégiens du Conseil métropolitain des jeunes de la Métropole de Lyon a soutenu l’organisation du festival. De nombreux partenaires ont peu à peu rejoint le projet : le musée des Confluences, celui des arts de la marionnette, le centre social, l’association Arts et Développement, l’Entreprise à but d’emploi SPactions, le foyer Forum réfugiés, l’école Giono où les enfants ont fabriqué des maracas, ou encore la Mesa, Maison Engagée et Solidaire de l’Alimentation. « Certains n’étaient jamais venus au Passage Comtois, d’autres avaient déjà fait de l’aller-vers et tenu des stands au pied des immeubles. Mais là, il s’agissait de se rencontrer et de faire les choses ensemble », précise Sophie Maréchal.
Le Festival des savoirs et des arts a ainsi permis aux habitants de « créer des liens avec les partenaires, pour peut-être ensuite rejoindre ce qui existe déjà, que ce soit au niveau de la culture, de l’emploi, de la démocratie participative. Ils n’auront peut-être plus peur de franchir les portes, parce qu’ils ont rencontré ces partenaires et échangé avec eux », décrit-elle. Et même les plus timides se sont laissés emporter par le défilé en musique qui annonçait chaque jour le début du festival, à l’image de Jennifer, qui a animé un atelier crochet. « J’ai bien aimé apprendre aux autres, corriger ce qui n’allait pas », se réjouit-elle.
Cet événement a aussi permis de « mélanger les gens des deux côtés de l’avenue, ainsi que les habitants des immeubles avec ceux des foyers. Même si ce n’est pas en trois jours que ça va changer la réputation du Passage Comtois, c’est un premier pas. Cela peut lancer une dynamique », estime Clémence Jasserand, alliée d’ATD Quart Monde, animatrice d’un lieu d’accueil pour les parents dans l’école du quartier. À la fin du festival, elle a été touchée par le message d’une habitante « pour remercier l’équipe, car nous avions apporté de la mixité, aussi bien religieuse, entre les âges, les cultures, les origines…».
Partir des passions des habitants
Pour associer les habitants, ATD Quart Monde et ses partenaires sont partis « de leurs savoir-faire et de leurs passions », précise Sophie Maréchal. Alors, lorsqu’une habitante a indiqué qu’elle ne se retrouvait pas dans les ateliers proposés, tout le monde a cherché avec elle ce qu’elle pouvait proposer. Ce qui lui tenait vraiment à cœur, c’était de faire une arche en ballons, parce que pour elle « ce n’était pas vraiment une fête s’il n’y avait pas d’arche ». Les animateurs avaient conscience que « ce n’était pas écologique et loin des matériaux de récupération utilisés pour les autres ateliers. Mais ce qui était important pour cette habitante, c’était de sortir de la honte de ne rien pouvoir apporter comme compétence. Elle a pu montrer ce qu’elle savait faire et cela l’a rendue fière », détaille-t-elle.
Chaque matin, le quartier se réveillait dans la joie. Les habitants apportaient généreusement du café et des gâteaux. Le gardien d’immeuble veillait sur les petites plantations réalisées dans le cadre d’un atelier. Toutes et tous veillaient pendant la nuit sur les douze tentes, les bancs et le matériel laissés par les bénévoles. « Pour ne pas tout démonter chaque jour, nous avons envisagé de dormir sur place. Mais ils nous ont dit de rentrer chez nous. Les pères de famille faisaient un tour le soir pour vérifier. Chacune et chacun prenait cette mission très à cœur et il n’y a eu aucune dégradation. C’est un signe que ce festival est devenu la propriété des habitants », estime Sophie Maréchal.
À la fin des trois jours, une phrase était sur toutes les lèvres : « on recommence l’année prochaine, mais pendant une semaine ». Sophie Maréchal ne sait pas encore si cela sera possible, mais elle est sûre que l’objectif a été rempli cette année : « un Festival des savoirs et des arts, cela sert à rendre fiers les habitants d’un quartier par les rencontres et la beauté de ce qui s’y vit ».