Toute l’année, les Universités populaires Quart Monde de la région Auvergne Rhône-Alpes ont travaillé sur le thème « Défendre nos droits avec les personnes en situation de pauvreté ».
En octobre, les participants ont partagé leur visions du mot « droit » et des expériences de droits non respectés. « Pour nous, les droits, c’est comme une balance. Il y a le côté théorique et le côté de la réalité. Régulièrement, la balance n’est pas stabilisée et les droits ne sont pas respectés », ont-ils expliqué.
L’invité, Marc Clément, président d’une chambre du tribunal administratif de Lyon, a détaillé les différentes missions d’un tribunal administratif. Après avoir écouté attentivement l’assemblée, il a reconnu la difficulté de connaître et de faire reconnaître ses droits, accentuée par les conditions difficiles dans lesquelles vivent les personnes qui ont l’expérience de la pauvreté.
En décembre, la question de la maltraitance institutionnelle était au cœur de l’Université populaire Quart Monde : « Quel lien entre les droits et la maltraitance institutionnelle ? Quelle action collective pourraient effectuer les membres d’ATD Quart Monde dans la région afin de faire pour faire cesser et dénoncer la maltraitance institutionnelle envers les personnes en situation de pauvreté ? » Sous forme de manifestation, les participants ont revendiqué un certains nombre d’actions possibles pour faire avancer le droit de chacune et chacun. L’après-midi, ils ont accueilli Malèna Sanchez, co-présidente de la Clinique juridique de Lyon 3, et Marc Souchon et Doris Mary, du comité des usagers du tribunal judiciaire. « Des fois, on a peur, on ne parle pas parce qu’on ne sait pas ce qui va se passer après », ont témoigné les participants.
L’importance de l’accompagnement et du dialogue
En février, ils ont approfondi les questions de droit autour de la famille : « que représente la famille pour moi ? qu’est-ce qui m’empêche de vivre en famille ? Quels droits défendre ? ». À ces questions, les membres de l’Université populaire Quart Monde ont répondu : « Il faudrait un accompagnement social, mais pas des gens qui sont dans l’administration, qui ne font que cocher des cases, qu’ils soient formés pour accompagner les familles, aller dans les familles. La particularité de la pauvreté, c’est que les gens ils ne sont pas vraiment aidés »,
L’après-midi, ils ont accueilli Marie-Pierre Louis, juge des enfants au tribunal de grande instance de Lyon et ont souligné les nombreuses difficultés liées à la pauvreté dans différentes situations familiales : « Nous avons peur du placement de nos enfants », « Si on n’est pas écouté, si notre parole n’est pas entendue ou alors qu’elle est déformée, les décisions sont prises en déformant nos propos. On se sent trahi. »
Sur le lien avec la justice, les participants ont souligné : « J’attends de la justice de la compréhension au niveau de la famille , « Il faut qu’il y ait un dialogue, pas que ce soit que d’un côté ou de l’autre, il faut qu’on travaille ensemble. »
Marie-Pierre Louis, de son côté, a dit en conclusion : « J’étais étonnée de vos retours sur les avocats parce que je pensais effectivement que vous pouviez trouver de l’assistance de ce côté-là. Je ne sais pas bien comment je peux faire remonter l’information. Je vais essayer d’y réfléchir, puisque c’est vrai que c’est vraiment une surprise. Il faut continuer à échanger, à réfléchir ».
Lors de l’Université populaire Quart Monde du mois d’avril, chaque groupe de préparation a présenté une courte vidéo d’un lieu de défense des droit réalisée avec des institutions et des associations : « Il faut connaître ses droits et les défendre. » L’après-midi, Gérard Brion, défenseur des droits à Grenoble, a dialogué les membres. Un participant a dit : « On nous épuise et on nous isole, si bien qu’on n’a plus accès au droit parce qu’on est laminé, on n’a pas de témoin, on manque d’accompagnants ». Gérard Brion a rappelé la présence des défenseurs des droits et a indiqué qu’il est « important que chaque personne qui demande à respecter ses droits soit acteur de sa démarche et soit respecté en tant tel et non pas un objet. »
« C’est au service public de s’adapter à l’usager »
L’année s’est terminée avec une Université populaire Quart Monde publique, qui a réuni 180 participants le 24 mai à Science Po Lyon, en présence de Claire Hédon, Défenseure des droits et Bruno Rakedjian, coordinateur national « Accès aux droits fondamentaux » à ATD Quart Monde. « La pauvreté, on la subit. On ne l’a pas choisie, mais on subit, on n’a pas demandé d’être pauvre. On n’a pas demandé d’être sans papier. Nous, on aimerait être comme tout le monde », ont expliqué certains groupes.
« Pour moi, le droit est un couteau à double tranchant. Je suis demandeur d’asile et j’avais tout le droit qui me donnait le pouvoir de circuler librement. J’ai reçu la décision de rejet et donc je n’arrive plus à circuler, je me sens comme si le droit s’était retourné contre moi », a expliqué un participant.
« Je pense que ce qui pose problème aujourd’hui en France, c’est qu’on est manipulé par l’État. Il y a le pouvoir d’achat qui est tellement en train de monter que du coup les riches tapent sur la classe moyenne, la classe moyenne tape sur les pauvres et les pauvres tapent sur ceux qui n’ont pas de papiers. Au lieu de faire ça, on devrait s’unir tous pour pouvoir arrêter de taper sur ceux d’en bas », a souligné un autre.
Claire Hédon, attentive à tous les propos, a rappelé la nécessité pour son équipe d’entendre la voix des plus pauvres. Bruno Rakedjian a présenté les combats du Mouvement pour défendre les droits de toutes et tous.
« L’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui fonde notre droit et sur lequel on s’appuie dans nos décisions, dans nos observations devant les tribunaux est le suivant : ‘les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit’. C’est quand même ce qui fonde notre démocratie. On a des devoirs, mais parce qu’on a des droits. Il faut les mettre dans le bon ordre : c’est d’abord, ‘on a des droits’.
Notre bataille est de dire que c’est au service public de s’adapter à l’usager. Et là, c’est exactement l’inverse qui se passe, on a demandé à l’usager de s’adapter aux services publics. Ce qui est important, ce n’est pas tant d’avoir dématérialisé les démarches, c’est surtout que ce ne soit pas la seule porte d’entrée, c’est de pouvoir déposer un dossier papier, c’est de pouvoir avoir rendez-vous avec quelqu’un qui vous écoute, qui vous comprend, c’est de pouvoir avoir des renseignements au téléphone quand on en a besoin », a souligné Claire Hédon.
Cette journée s’est terminée en chanson et chacune et chacun est reparti avec l’espoir que le droit soit accessible à toutes et tous et avec l’envie de poursuivre les mobilisations.