
Une école de la réussite pour tous, c’est possible
Dans l’avis présenté le 12 mai au Conseil économique, social et environnemental (CESE), Marie-Aleth Grard, vice-présidente d’ATD Quart Monde, évoque les bonnes pratiques qui favorisent la réussite de tous les enfants, y compris les plus éloignés de l’école.
Quels sont les grands enseignements de vos travaux ?
Le premier est qu’il montre la nécessité de porter une attention particulière aux familles les plus défavorisées. Si notre système scolaire est si inégalitaire, c’est notamment à l’égard de leurs enfants. Dans notre avis, nous faisons des propositions pour qu’ils ne soient plus affectés dès le plus jeune âge dans des filières spécialisées ou du handicap alors qu’ils n’ont pas de problèmes spéciaux. Autre enseignement, concernant la place des parents qui doit être importante dans l’école : il faudrait que les enseignants soient formés à la connaissance de ceux qui ont une vie très difficile, ainsi que du milieu où ils viennent enseigner. Quand ils connaissent le quartier, ils sont beaucoup plus à l’aise avec les enfants et leurs familles. Nous avons aussi constaté que lorsque les enseignants travaillent ensemble et mènent des projets communs, cela bénéficie à tous les élèves, renforçant leur estime de soi et le goût d’apprendre.
Qu’est-ce que le travail en «Croisement des savoirs » (1) a apporté ?
C’était très novateur pour le CESE et aussi pour le groupe «croisement » constitué de 30 personnes. Il y avait de l’enthousiasme de part et d’autre pour tenter l’expérience. Malheureusement nous avons dû aller très vite, ce qui a été un peu difficile pour les militants Quart Monde car il y avait beaucoup à lire et à travailler dans un temps donné. Les attentes étaient par ailleurs différentes, très grandes surtout du côté du groupe «croisement». La première séance a été une sorte de jeu de regards. Cela a même été un peu tendu. Puis ça s’est amélioré lors des deux autres séances. Les conseillers du CESE n’avaient jamais travaillé de cette façon et certains m’ont confié que c’était très perturbant. Petit à petit, ils s’y sont mis, le groupe «croisement » aussi. Sans ces séances, nos discussions au sein de la section Education du CESE n’auraient pas été les mêmes. J’ai pu m’appuyer dessus pour redire l’attente et les inégalités criantes de notre système.
Après ce rapport, quels changements peut-on attendre ?
Avec Jean-Paul Delahaye, nous allons entamer, à la rentrée, un tour de France pour présenter nos travaux et discuter avec les inspecteurs et les chefs d’établissement, ainsi qu’avec les enseignants, les parents d’élèves et les acteurs de territoir. Je vois trois leviers au moins pour changer les choses. D’abord, il faut que tous les parents s’y mettent, y compris ceux dont les enfants réussissent très bien. Il faut les convaincre que la réussite de tous les élèves est possible et qu’elle les concerne, qu’elle passe par l’acceptation de tous à l’école, et qu’il faut pour cela changer de regard et mieux se connaître.
Ensuite, les enseignants doivent être convaincus que coopérer entre eux les aide et profite à la réussite de tous. Enfin, on parle souvent d’une école bienveillante. Je parlerais plutôt d’une gouvernance – inspecteurs, chefs d’établissement… – bienveillante. Il faut davantage soutenir les enseignants dans leur quotidien, les rencontrer plus souvent et leur proposer des formations ou des co-formations(2) avec tous les partenaires de l’école. Ils font face à des questions qui ne sont pas simples et ceux qui innovent déplorent n’avoir guère de reconnaissance.
Recueilli par V.S.
Photo : à l’école des Bourseaux à Saint-Ouen-l’Aumône, citée dans le rapport CESE, 7 mai 2015 (photo F. Phliponeau)
200
C’est le nombre d’auditions d’enseignants, de parents, d’experts, faites par la mission du CESE qui s’est déplacée dans 8 académies et formule 59 recommandations.
QU’EST-CE QUE LE CESE ?
Le Conseil économique, social et environnemental compte 233 conseillers désignés pour 5 ans, qui représentent la vie économique, les associations, les syndicats, les jeunes, les défenseurs de l’environnement… Il a notamment pour mission de conseiller le gouvernement et le parlement, et d’éclairer le débat citoyen. Il publie des avis et des rapports.
«La grande qualité de vos travaux
est un signal fort pour rappeler le sens profondément républicain de la politique éducative, qui est de s’adresser à tous et de se soucier d’abord des plus fragiles» La ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, le 12 mai devant le CESE