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Liens familiaux : que transmettre ? [231]
« On ne naît pas homme, on le devient ». Mais comment le devient-on ? Qui nous accompagne ? Comment les institutions peuvent-elles soutenir les ambitions des parents pour leurs enfants ?
Description
Revue Quart Monde n° 231
Cellule de base qui permet aux petits d’hommes, quand l’environnement est favorable, de s’enraciner dans un monde de pairs et de se créer une identité personnelle, la famille est dans certains contextes oblitérée par des difficultés qui pèsent très lourdement sur la transmission de valeurs et de repères.
L’origine sociale en est une importante. Non que les parents confrontés à la pauvreté et à l’exclusion désirent moins que d’autres transmettre des forces à leurs enfants – bien au contraire -, mais ce patient travail d’artisans pour faire famille leur échappe ; les moyens leur en sont retirés, quand ce ne sont pas leurs enfants qui sont tout simplement placés en institutions ou en familles d’accueil, « pour leur bien ».
Les enfants ayant grandi dans ces conditions cahotiques le disent de multiples manières : lorsque le lien familial a été brisé, on en garde des traces toute sa vie. Et ceci d’autant plus qu’on n’a pas compris les pourquoi des ruptures dans son histoire.
Que dire alors de l’horreur vécue par ces 1615 enfants réunionnais, littéralement kidnappés et exilés de force vers la métropole entre 1963 et 1982, « pour les sortir de la misère », vis à vis desquels l’État français vient tout juste de reconnaître sa responsabilité morale ?
Un travail de résilience s’avère heureusement possible. Certains disent s’être accrochés, comme à une bouée, à un rêve de famille idéale tenu à bout de souffle ; d’autres ont rencontré une personne, une association qui ont remaillé la chaîne humaine disloquée. Mais que de souffrances, que de gâchis humain avant de pouvoir reprendre pied dans une histoire dont on a été dépossédé, après avoir été projeté dans un profond vide existentiel…
Comment pourraient fonctionner les institutions qui ont une mission éducative (écoles, familles d’accueil, services de travail social,…) pour soutenir les ambitions que les parents nourrissent pour leurs enfants ? Des expériences menées dans la durée – mais trop peu médiatisées – font la preuve, dans le contexte de l’école par exemple, qu’on peut briser le cercle de la reproduction de la misère et de l’exclusion en créant une confiance et un dialogue entre les enseignants et les familles, tout particulièrement les plus éloignées de la culture scolaire, dont les enfants constituent la grande majorité des élèves les plus en difficulté.
« Car [contrairement aux idées fausses] le monde de la misère n’a pas démissionné, surtout pas pour les enfants » nous rappelle Joseph Wresinski.
Extrait de l’introduction de Martine Hosselet Herbignat