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Nouvelle cordée : le documentaire sur Territoires zéro chômeur de longue durée arrive au cinéma

Après une première diffusion à la télévision en mars dernier, le documentaire Nouvelle cordée sort au cinéma le 20 novembre, dans une version plus longue et enrichie. Sa réalisatrice, Marie-Monique Robin, nous parle de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée qu’elle a ainsi voulu mettre en avant.

Pourquoi avez-vous décidé de faire un film sur l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée ?

J’ai entendu parler de l’expérimentation à l’automne 2014, lors de la projection de l’un de mes films, Sacrée croissance, qui questionnait déjà le modèle économique dominant. Un membre d’ATD Quart Monde est venu me voir et m’a expliqué ce projet. Il y avait alors quatre communes volontaires, dont Mauléon dans les Deux-Sèvres. Comme je suis originaire de ce département et qu’on me connaissait là-bas, cela m’a permis de gagner du temps.

Ce n’était pas du tout gagné à l’époque, car la loi n’avait pas encore été votée, mais je me suis dit que l’idée était vraiment géniale. Pour moi, il était évident que je devais commencer à filmer tout de suite. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment un territoire, les élus, les associations et bien évidemment tous les chômeurs de longue durée, se mobilisent pour faire avancer le projet.

Comment avez-vous vu le projet évoluer au cours du tournage ?

Au départ, l’idée d’une entreprise à but d’emploi (EBE) n’est pas facile à comprendre. Mais, peu à peu, cela m’a paru être une idée qui tombait sous le sens. J’ai pu filmer pendant 3 ans et demi, une fois tous les deux ou trois mois, donc en tout une vingtaine de fois. J’ai vu la transformation physique et morale incroyable de ces hommes et de ces femmes, qu’on voit véritablement se redresser, qui changent de tête.

D’ailleurs, l’une des premières choses qu’ils font quand ils signent leur contrat de travail, c’est d’aller chez le coiffeur. Cette transformation est très impressionnante et très touchante. C’est la preuve qu’en peu de temps, quand on donne les conditions aux gens de se reconstruire, ça va vite, car finalement, ce n’est « que » trois ans.

Quel est le profil de ces salariés ?

J’ai découvert que n’importe qui peut tomber dans une spirale comme celle du chômage de longue durée. Dans le film, il y a une coiffeuse qui a une maladie professionnelle et qui ne peut plus exercer son métier. Il y a un homme qui perd sa femme dans un accident de voiture et qui ne peut plus travailler parce qu’il va très mal et qu’il a deux petites filles à charge. Personne n’est à l’abri de cela. J’ai découvert aussi tous les savoirs de ces personnes qui sont très éloignées du travail, mais qui ont toutes fait des choses incroyables et qui ont envie de travailler, c’est très clair.

Comment le projet a-t-il été perçu sur le territoire ?

On voit, grâce à cette expérimentation, qu’il y a beaucoup de besoins non satisfaits sur le territoire. À Mauléon, au début, les entreprises étaient un peu inquiètes, se demandaient si cela n’allait pas prendre du travail à ceux qui en avaient. Finalement, petit à petit, tout le monde s’est rendu compte qu’il y avait plein de besoins qui n’étaient pas satisfaits, parce que personne ne peut les couvrir. Il s’agit de petites niches qui, mises bout à bout, font beaucoup de travail dans tous nos territoires.

Un modèle d’économie circulaire se dessine, où on ne gâche pas les ressources, on recycle, on prend soin des jardins, des gens… Cette expérimentation montre comment l’économie pourrait redevenir au service des gens et des territoires et répondre à tous les défis qui caractérisent le XXIe siècle : la pollution, le dérèglement climatique, la destruction de la biodiversité et toutes les inégalités qui sont croissantes.

Quel impact souhaitez-vous que votre film ait sur le public ?

J’ai fait cette version, parce que je voulais que les salariés racontent eux-mêmes leur histoire, qu’il n’y ait pas de narrateur extérieur comme à la télévision. J’avais vraiment envie que ce film soit vu dans des salles de cinéma, où on se rassemble, on échange. L’objectif est d’amorcer cette dynamique qui est indispensable pour créer une EBE, car c’est un vrai projet territorial. Je suis persuadée maintenant que ce dispositif présente un intérêt général, qu’il faudrait l’étendre à toute la France.

On attend une deuxième loi pour pouvoir à la fois pérenniser l’expérimentation sur les dix territoires qui sont déjà partenaires et l’étendre à d’autres. Au-delà, il s’agit aussi de s’interroger sur le modèle économique actuel qui laisse sur le bord de la route des millions de personnes. Il faut maintenant une volonté politique de poursuivre cette expérimentation. J’espère que ce film participera à cette réflexion, que beaucoup de gens le verront et iront voir leur député pour lui demander de se mobiliser. Propos recueillis par Julie Clair-Robelet

Bande annonce et dates de projections

Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de novembre 2019.

 

Photo : Marie-Monique Robin. © Solène Charrasse