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« La précarité énergétique porte directement atteinte à la dignité des personnes »

ATD Quart Monde a participé les 2 et 3 septembre au Forum mondial 3 Zéro organisé par Convergences à Paris. Pendant deux jours, des professionnels engagés « contre la pauvreté et pour la planète » se sont réunis avec un objectif ambitieux : « mettre en avant des solutions pour tenter de parvenir à un monde 3 zéro : zéro exclusion, zéro carbone, zéro pauvreté ». La vice-présidente d’ATD Quart Monde, Isabelle Doresse est venue porter la parole de militants Quart Monde sur la question de la précarité énergétique.

« Pour les plus pauvres, l’accès à un logement décent n’est pas du tout garanti aujourd’hui, en particulier pour les plus jeunes », a affirmé la vice-présidente d’ATD Quart Monde, Isabelle Doresse, devant les ministres, secrétaires d’État et professionnels réunis au Forum mondial 3 Zéro. Face aux discours assez éloignés du terrain, elle a tenu a rappeler que le « problème central est quand même l’insuffisance des ressources. Les charges d’énergie ont une importance considérable dans  le budget des ménages et le taux d’effort demandé aux plus pauvres est vraiment incompatible avec leurs ressources. Payer 130 euros le chauffage quand on vit sous le seuil de pauvreté, c’est en fait impossible ».

Elle a ainsi rapporté les propos d’un militant Quart Monde pour qui « faire de l’environnement une cause commune, c’est aussi lutter contre la stigmatisation des plus pauvres, qu’on condamne à vivre dans des barres HLM pourries mal isolées ». « Il y a des moisissures dans notre appartement. Le chauffage électrique, c’est vraiment cher, on en a pour 140 euros tous les deux mois, alors qu’on chauffe seulement pour chauffer les murs », a-t-elle également indiqué en citant un autre militant Quart Monde.

La précarité énergétique touche ainsi en particulier les personnes en situation de pauvreté et a « des conséquences lourdes en termes financiers, avec des problèmes d’endettement, en termes sociaux, avec des replis sur soi, de la discrimination, et des soucis sanitaire. Par manque de ressources, les plus pauvres n’ont pas accès au logement social et se retrouvent souvent dans un parc privé dégradé », a précise Isabelle Doresse.

Pour la vice-présidente d’ATD Quart Monde, « les réponses doivent être forcément systémiques. La politique de précarité énergétique doit absolument être associée à une politique d’accès de tous à un logement digne et à une politique sur les revenus. Les droits sont indissociables et leur mise en œuvre demande vraiment une cohérence globale. La précarité énergétique porte directement atteinte à la dignité des personnes et une société digne est une société dont les institutions n’humilient personne, une société qui ne laisse personne de côté, comme le rappellent les Objectifs du Développement Durable. Peut-être qu’aujourd’hui, on n’est pas encore tout à fait dans cette situation là... »

Permettre un meilleur accès au logement social

Devant la ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du logement, Emmanuelle Wargon, Isabelle Doresse a souligné que la mobilisation nationale engagée pour la rénovation des logements était « essentielle », mais qu’il était également « majeur de permettre un meilleur accès au logement social ».

Rappelant les propositions du rapport publié en juin 2020 avec cinq autres associations, elle a en outre pointé la nécessité d’expérimenter des quittances de loyer adaptées aux ressources du ménage, de maîtriser le coût des charges et de revaloriser l’APL (aide personnalisée au logement). « Si on veut les mêmes droits pour tous, il faudrait peut-être expérimenter les tarifs progressifs, plutôt que les tarifs sociaux qui sont moins stigmatisants. Il est surtout essentiel que la participation des personnes en situation de grande pauvreté soit pleine et entière dans l’élaboration du dispositif, dans la réalisation et l’évaluation des politiques . De l’expérience de la précarité énergétique,  les personnes en situation de pauvreté ont un savoir, une connaissance sans laquelle ce qui sera fait ne sera pas adapté si on ne les prend pas en compte », a-t-elle détaillé.

« Partir des plus exclus »

Sur la question de la participation, la vice-présidente du Mouvement a également cité un militant Quart Monde : « on entend souvent dire que les plus pauvres ne se soucient pas de la durabilité, qu’ils essayent juste de survivre et que cela ne va pas plus loin. C’est absolument faux, nous devons revendiquer notre place dans ce débat-là et apporter notre contribution propre, car nous, nous savons à quoi conduit le modèle de croissance, puisque nous en subissons les conséquences et que nous en souffrons. Il faut le faire comprendre clairement, pour qu’on ne nous considère pas comme des personnes  qui n’apportent rien et qui coûtent simplement trop cher à la société ». Pour Isabelle Doresse, les personnes en situation de pauvreté doivent être « reconnues aujourd’hui, comme des facteurs de changements ».

Des propos partagés par Céline Caubet, actuellement en découverte du volontariat à ATD Quart Monde, qui intervenait dans une autre conférence du forum. « Pour construire une société zéro pauvreté, il faut une théorie de la capillarité, à l’inverse des théories du ruissellement qu’on peut entendre : il faut partir des gens qui connaissent la misère, qui sont le plus exclus, partir de leur savoir et construire une société plus juste qui respecte autant l’individu que l’environnement« . Et de conclure : « Il faut impliquer les plus défavorisés, reconnaître leurs expériences, s’assurer que les politiques soient efficaces et ne jamais opposer lutte sociale et lutte environnementale. »

 

 

Photo : Intervention d’isabelle Doresse, vice-présidente d’ATD Quart Monde au Forum mondial 3 Zéro le 2 septembre 2021. © JCR