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Les arrêtés anti-mendicité sont-ils légaux ?

Alors que le Conseil d’Etat belge a cassé récemment plusieurs arrêtés anti-mendicité, on est en droit de se demander si les juridictions françaises sont aussi exemplaires.

La mendicité est légale… sous certaines conditions

Jusqu’en 1994, la mendicité était un délit passible d’une peine de prison.
En 1994, elle est autorisée, à condition qu’elle ne soit pas faite de manière agressive ou sous la menace d’un animal dangereux ( Art 312-12-1 du Code pénal) et qu’elle ne mette pas en cause des enfants (Art 227-15 du Code pénal) : dans ces cas-là, la mendicité s’apparente à un délit.
De plus, la mendicité peut être interdite si elle porte atteinte à l’ordre public : elle est alors passible d’une contravention de 38 euros.

Il en va de même pour les arrêtés anti-mendicité

Un arrêté anti-mendicité est licite si ses dispositions sont nécessaires et proportionnées au maintien de l’ordre public. Ainsi, un arrêté prévoyant une interdiction générale et permanente de la mendicité ou qui serait sans rapport avec le maintien de l’ordre public a de fortes chances d’être suspendu par le tribunal administratif.
Les juges prennent également en considération la possibilité pour les maires de mettre en œuvre des moyens alternatifs moins contraignants contre la mendicité comme l’ouverture de centres d’accueil, d’aide au logement, de services de restauration populaire ou d’aide à l’insertion professionnelle pour les plus pauvres.

Qui peut contester un arrêté anti-mendicité ?

Il est souvent difficile pour les personnes visées par les arrêtés anti-mendicité de contester seules un arrêté de ce type qu’elles jugeraient disproportionné. Elles peuvent être soutenues par des associations de défense des droits des personnes, comme cela a été le cas en Belgique dans l’exemple cité plus haut. Pour contester un arrêté anti-mendicité, il faut s’adresser au tribunal administratif.

La jurisprudence

La décision CE 9 juillet 2003, Lecomte et Assoc. AC Conflent, req. n o 229618 résume les exigences pour qu’un arrêté anti-mendicité soit légal : un arrêté édicté par le maire d’une commune interdisait la mendicité durant la période estivale du mardi au dimanche de 9h à 20h dans le centre ville et aux abords des deux grandes surfaces.
Le juge a estimé que la mesure d’interdiction était légalement justifiée par les nécessités de l’ordre public avancées par la commune, à savoir assurer préventivement, en période d’afflux touristique, la sécurité, la commodité et la tranquillité nécessaires aux usagers des voies publiques. En outre, l’interdiction de mendier étant limitée dans le temps et dans l’espace, le Conseil d’État conclut à sa légalité.

Cependant, la jurisprudence récente va davantage dans le sens d’une suspension des arrêtés anti-mendicité.
En juillet 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Lille (ordonnance N° 1404157) a ainsi suspendu l’exécution d’un arrêté anti-mendicité édicté par le maire d’Hénin-Beaumont. Cet arrêté portait interdiction de la mendicité, sur trois places de la ville du 1er juin au 31 août dernier, entre 8h30 et 19h30, du lundi au samedi ainsi que dans une partie de plusieurs rues. Une pétition avait en outre été signée par cinquante-deux commerçants qui se déclaraient favorables à un « arrêté limitant la mendicité agressive ».
Le juge a cependant estimé qu’il n’y avait « aucun fait précis de nature à établir le caractère agressif de la mendicité signalée », de sorte que l’interdiction prononcée par cet arrêté n’était ni nécessaire ni proportionnée aux atteintes portées à la liberté d’aller et venir et à celle d’utiliser le domaine public, ce qui était de nature à faire naître un « doute sérieux » quant à la légalité de l’arrêté.

De la même façon, dans une ordonnance du 11 août 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Chalon-sur-Saône a suspendu l’arrêté pris par le maire le 25 mai précédant, interdisant l’occupation abusive et prolongée des rues de la ville jusqu’au 30 novembre.
Le juge a estimé que l’arrêté portait atteinte à la dignité humaine et à la liberté d’aller et venir , de façon à faire naître un « doute sérieux » quant à la légalité de cet arrêté.

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Sources :
http://france3-regions.francetvinfo.fr/nord-pas-de-calais/2014/07/21/henin-beaumont-l-arrete-anti-mendicite-pris-par-steeve-briois-annule-520573.html

http://www.jurislogement.org/files/Arr%C3%AAt%C3%A9s%20anti-mendicit%C3%A9.pdf

http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne/2014/08/11/chalon-sur-saone-la-justice-suspend-l-arrete-anti-mendicite-de-la-mairie-530746.html

Alice Mikowski du Secrétariat des Comités Solidaires pour les Droits