Entrez votre recherche ci-dessous :

Formation sur l’entreprise incluante : échos de la première journée

Le 18 janvier 2018, 45 personnes étaient réunies au siège d’ATD Quart Monde à Montreuil pour la première journée d’une formation sur « l’entreprise incluante », à partir de l’expérience du projet « Travailler et apprendre ensemble » (TAE) lancé en 2002 à Noisy-le-Grand.

Une journée très interactive, car, comme l’a annoncé en ouverture son animateur Denys Cordonnier, « chaque participant a un bout d’expérience et d’expertise ».
Ces participants venaient de trois horizons différents : le monde de l’entreprise traditionnel (SNCF, Suez, Linkbynet, Orange…), TAE et les entreprises à but d’emploi (EBE) œuvrant sur les dix territoires zéro chômeur de longue durée.
Deux thèmes étaient proposés : « comment construire un collectif ? » et « inventer de nouvelles modalités de management ».

Comment construire un collectif ?

Partager un sentiment d’appartenance collective, c’est permettre à chaque salarié de donner dans son travail le meilleur de lui-même. Pour cela, on a besoin de prendre le temps, d’essayer plusieurs façons de faire, de moments de rencontre, de règles, de valeurs, de sécurités, de penser l’action et la production ensemble, de comprendre que déléguer n’est pas se mettre en danger. Tout cela va à l’encontre de notre éducation où l’on a appris à être gratifié en fonction de nos compétences et non de notre polyvalence.

Chantal, Gilles, Séga et Pierre-Antoine ont expliqué comment chacun participe à cette dynamique à TAE.

Il y a d’abord la réunion du lundi matin. « On commence par échanger des nouvelles sur les absents, explique Chantal, et sur ce que chacun peut faire pour rester en contact avec eux. Car, quand on est absent longtemps, on a souvent du mal à revenir. »
Gilles enchaîne : « Ensuite on fait le bilan des indicateurs d’ambiance renseignés par chaque salarié le vendredi d’avant sur ce qui s’est passé dans la semaine. On lit les commentaires éventuels. C’est anonyme. »
Séga : « Enfin, on construit le planning de la semaine. Ce n’est pas la direction qui remplit le tableau. C’est tous ensemble. Ça demande à chacun de la polyvalence et de la bonne volonté. »
La fin de la réunion est consacrée à la vie d’équipe. Chantal explique : « Proposer des sorties culturelles, sportives, etc., nous permet de nous connaître mieux que seulement dans le cadre de l’entreprise. Ça nous donne un lien plus fort et plus concret. »

Temps en plénière alternaient avec temps en petits groupes.

La présentation se poursuit par un exemple vécu récemment : un nouveau salarié a remis en cause les procédures de test d’écrans d’ordinateurs mises au point au fil des années à TAE. Le ton a monté. Deux groupes se sont constitués dans l’atelier. La direction, présente, n’a pas voulu intervenir afin de laisser les salariés trouver eux-mêmes moyen de continuer à travailler ensemble. Deux d’entre eux se sont proposés pour être médiateurs. Après deux heures de dialogue, un consensus a été trouvé.

« On infantilise très souvent nos salariés, a reconnu une responsable d’entreprise. On ne leur fait pas assez confiance dans leurs capacités de régler eux-mêmes des conflits. »
Une autre a expliqué comment, dans son entreprise, on essayait aujourd’hui de faire redescendre les centres de décision au sein des équipes de travail.

La construction du collectif au sein des équipes de travail est bien sûr une préoccupation fortes des EBE, qui commencent à la mettre en œuvre de diverses manières.

Inventer de nouvelles modalités de management

L’après-midi était consacrée à de nouvelles modalités de management expérimentées par TAE, en particulier autour du fonctionnement d’équipes sans chef. Au début de TAE, il existait un chef d’équipe bâtiment. Sa manière de travailler a permis à chaque salarié de se responsabiliser et quand il a quitté TAE, les chantiers bâtiment ont pu dès lors se dérouler sans chef.
Katy, Gilles, Baptiste (référent technique de l’équipe bâtiment), Chantal et Pierre-Antoine ont expliqué comment se déroulait un chantier. L’équipe se constitue en partie en fonction de la difficulté du chantier. Elle se répartit les rôles. « Une personne se propose toujours à la fin pour faire les choses les moins attirantes, explique Pierre-Antoine, souvent aidée par une autre. Mais ça tourne. »
Le référent technique aide à trancher les questions techniques, sans rôle hiérarchique.

« Quand j’ai une question, dit Chantal, je me retourne vers mes collègues. On se forme les uns les autres. »

Cette manière de travailler en équipe, en autonomie, « sans chef », rejoint sans doute l’aspiration de beaucoup de salariés dans les entreprises. Elle nécessite de construire des relations fortes entre salariés et que chacun accepte de prendre une part de responsabilités. L’idée n’est pas que chacun fait ce qu’il veut, mais que l’on s’organise ensemble.

En conclusion de la journée, chacun a pu dire un mot résumant ce qu’il avait appris. « On a tous été interpellés dans notre rôle de manager », a dit un responsable de ressources humaines. Plusieurs ont dit avoir été impressionnés par la qualité des relations des salariés de TAE entre eux.
Tous se retrouveront prochainement dans différents ateliers qui vont ponctuer ce parcours de formation, afin d’essayer de mettre en pratique, dans certaines de leurs équipes de travail, ce qu’ils vont continuer de découvrir au contact de ces salariés qui ont l’expérience de la pauvreté et réinventent l’entreprise.