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Évacuation du camp de Saint-Denis : une violation des droits et de la dignité

Nous avons assisté, le mardi 16 novembre, au spectacle affligeant de personnes traitées de façon inhumaine par les administrations (Préfecture d’Ile-de-France et Préfecture de Seine-Saint-Denis) et les personnels des forces de l’ordre impliqués. 

Dans le camp de la Porte de Paris,  2500 personnes, dont plusieurs dizaines de familles avec jeunes enfants et bébés, toutes fragilisées par leur parcours, vivaient déjà dans des conditions inhumaines.

De nombreuses associations, bénévoles, jeunes en service civique… les rejoignent quotidiennement depuis des mois.
Ils font tout pour protéger les plus vulnérables, les soutenir dans l’accès aux droits, et leur présence rassurante permet aux personnes de ne pas se sentir complètement abandonnées dans cette grande misère.

Une procédure traumatisante

Ces associations avaient offert leur expertise et leurs contacts patiemment tissés pour être des partenaires efficaces pour penser et gérer l’évacuation. Mais c’est la gestion uniquement policière qui a été privilégiée, avec une procédure traumatisante qui a donné un spectacle navrant d’hommes, femmes et enfants malmenés, incluant l’usage de lacrymogènes et de gaz-poivre.

A l’issue de cette gestion chaotique d’une durée extrêmement longue, 800 à 1 000 hommes et mineurs isolés n’avaient pas bénéficié d’une mise à l’abri dans les gymnases réquisitionnés des communes environnantes. Ils ont été dispersés, chassés et abandonnés à eux-mêmes dans les rues, sans aucune solution.

Un mépris des personnes

Pourquoi la préfecture a-t-elle donné l’ordre de détruire des centaines de tentes, dons de citoyens généreux qui refusent que des gens dorment sans aucune protection, ces tentes ayant déjà été pliées et rangées par les bénévoles, pour être nettoyées puis redonnées ? Pourquoi un tel acte gratuit et, en apparence du moins, méchant ? Pourquoi donner une si lamentable image de notre police ?

Qu’est ce qui peut justifier un tel mépris des personnes, mais aussi des associations, des bénévoles qui s’engagent humblement mais obstinément pour le vivre ensemble, pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux de toute personne, avec l’exigence de ne laisser personne de côté ?

Une violation des droits et de la dignité des personnes

ATD Quart Monde, en solidarité avec toutes les associations engagées auprès des populations présentes sur ce camp, dénonce avec force les violations des droits et de la dignité des personnes, qu’elles soient françaises ou étrangères.
Les vies des 800 à 1 000 personnes dispersées dans la nuit comptent et l’Etat français a la responsabilité d’assurer sans délai leur protection et le respect de leurs droits et de leur dignité, comme des droits et de la dignité de toute personne présente sur le territoire français.

La lettre du 3 novembre signée des ministres Gérald Darmanin, Olivier Véran, Emmanuelle Wargon et Marlène Schiappa nous avait donné beaucoup d’espoir au niveau du « prendre soin ». Ce qui s’est passé le 16 novembre donne l’image d’un pays replié sur lui-même, sur ses peurs et son refus de l’autre, un pays qui n’ose plus regarder les plus fragiles, ceux qui peuplent les lieux les plus pauvres de notre pays, et qui les rejette.

L’urgence de reconstruire du lien entre tous

Nous sommes très choqués, mais nous continuons à affirmer notre volonté de dialogue pour un État de droit, un pays fraternel. Nous demandons à participer à le bâtir.

Comme beaucoup d’élus locaux, mais aussi de citoyens de toutes les fonctions, y compris les forces de l’ordre, nous insistons sur l’urgence de reconstruire du lien entre tous. Les acteurs de la société civile ne sont pas les ennemis de la République, ils montrent chaque jour leur capacité et leur volonté de travailler à une vraie démocratie avec la participation de tous, pour le respect des droits de tous.

Photo : L’évacuation du campement de la Porte de Paris à Saint Denis le mardi 17 novembre 2020 / ©Utopia56