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Un pédiatre au charbon

Un pédiatre au charbon

Dans le centre d'action médico-sociale précoce (CAMPS) qu'il a fondé à Roubaix, Maurice Titran et son équipe accompagnent les familles en grande pauvreté.

Florence Quille, journaliste, évoque ici cette action. Ce pédiatre dirige ce centre pour enfants de 0 à 6 ans, en difficultés sensorielles, motrices, psychiques et sociales depuis trente cinq ans.

Ce centre se caractérise par l’écoute des familles, des mères d’enfants handicapés ; la coopération de plusieurs spécialistes (pédiatres, éducateurs, infirmières, kinésithérapeutes, institutrices spécialisées, assistantes sociales, psychologues) ; sa méthode plus sociale et préventive que technique et médicamenteuse.

Après une enfance éprouvante et privée d’affection, Maurice Titran réussit l’internat et obtient un poste de médecin dans un service d’enfants contagieux, isolés même de leurs parents, puis dans un service néonatal du CHU de Lille où le professeur Lequen fait participer les parents à certains soins des enfants.

Il est ensuite appelé par une assistante sociale, qui a ouvert un foyer pour familles en difficultés à Roubaix, pour faire des consultations médicales informelles : il se présente, non en blouse blanche, mais à table pour déjeuner avec les mères, pour bricoler avec elles à la cuisine ou dans des ateliers de décoration où elles confient plus facilement leurs tourments. Leurs enfants sont pris en charge pour des séances de rééducation.

Ces parents qui fuient toutes les institutions, même la Protection maternelle et infantile (PMI), de peur qu’on leur retire leurs enfants, et n’envoient pas leurs enfants à l’école, reprennent confiance en eux.

Tous les mardi, l’équipe du docteur Titran pratique une « guidance parentale », à partir de l’écoute, de l’interaction mère/enfant – échange de regards, gestes de tendresse – et même l’échange de savoirs (cuisine, couture, décoration), jusqu’à organiser une semaine de vacances en famille, au bord de la mer, financée par leurs travaux.

Les difficultés ne sont pas occultées. L’alcoolisme qui afflige parfois ces mères, par voie hérédi­taire, et affecte souvent leurs bébés. L’inertie de l’administration et le cloisonnement des services, alors que le docteur Titran s’est engagé quelques années dans la vie politique comme adjoint au maire de Roubaix pour la santé. Le manque de crédits, qui augmentent pour les soins mais non pour la prévention. Le manque de personnel, malgré la présence de bénévoles.

Les critiques d’autres médecins et surtout de psychiatres, qui lui reprochent de vouloir maintenir les liens entre parents et enfants, d’éviter de recourir au placement et même aux moyens techniques médicaux, de viser une utopie, de se comporter comme un « gourou du Quart Monde ».

Une évaluation effectuée par un docteur en psychologie de l’INSERM auprès de 24 familles entre 1989 et 1995, a révélé que la moitié des familles avaient repris pied, que la moitié des enfants avaient été scolarisés.

Clémence Boyer

Éditions Suchet-Chastel – 2006 – 166 p.

Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 200 : Le refus de la misère a-t-il pris corps ?