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Tropique de la violence

Tropique de la violence

Dans l'île française de Mayotte, dans l'océan Indien, ce pays magnifique, sauvage et au bord du chaos, cinq destins vont se croiser et nous révéler la violence de la vie quotidienne.

La violence est partout, dans la vie de tous les humains de ce livre, qu’elle soit physique, morale, psychologique. La désespérance est violente, la misère est violente, le refus de la voir est encore une violence…

Le cadre de ce récit : Mayotte, 101ème département français, île assaillie par les migrants des îles voisines à qui le mot France fait croire aux mirages. Les témoignages ne manquent pas, les solutions plus ou moins caricaturales sont brandies par les uns, tandis que les autres détournent le regard. Reste que 4000 jeunes, « mineurs isolés » selon l’expression administrative, survivent comme ils peuvent dans des recoins de cette île.

Natacha Appanah connaît ce contexte, l’a vu, a côtoyé des jeunes abandonnés par tous. La fiction qu’elle nous livre est toute empreinte de la connaissance qu’elle a de la situation. En choisissant la voie littéraire, elle réussit à donner à ses personnages, même au pire d’entre eux, une humanité extraordinaire : c’est cette humanité qui pousse le lecteur à aller au bout du roman.

Dans une fiction on peut faire parler les morts. Ils peuvent raconter l’indicible. Ils se racontent aussi, quand des retours sur soi seraient peu crédibles dans cette vie faite de brutalité constante : les personnages vivant dans l’errance semblent s’être vidés de tout sentiment, de toute attache même envers eux-mêmes ou seulement tendus avec hargne pour survivre.

Les morts font comprendre ce qui n’aurait jamais été dit : comment celui qui s’est forgé un statut lutte par tous les moyens pour le conserver, et comment, au bout du compte, c’est comme cela que les jours passent tous pareils ou presque, dans une espèce d’équilibre, que certains nantis auraient tendance à encourager parce qu’il assure une paix sociale. Ce sont les morts qui peuvent dire les rouages de l’engrenage et faire sentir le fond d’humanité caché en chacun.

Tout jugement sur ce que vivent les autres est finalement inhumain. Comment ne pas faire le lien avec la façon d’exclure de la société ceux qu’on ne comprend pas ou qui ne vivent pas comme la plupart d’entre nous ?

Catherine Cugnet

Gallimard – 2016 – 174 p.