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Sur les dents

Sur les dents

L’auteur qui précise dès le début de son ouvrage qu’il a une peur panique des dentistes pour y avoir violemment souffert quand il était petit, mène un réquisitoire sans concession contre la profession vue sous l’angle de l’inégalité sociale devant les soins dentaires.

Ce qu’elles disent de nous et de la guerre sociale

Il explore d’abord l’histoire de la dentisterie en remontant aux données exhumées par les archéologues puis en s’attachant à la profession des arracheurs de dents qui faisaient de leur art un spectacle de rue. Quant aux dentistes actuels, ils répugnent à prendre en charge les démunis du fait d’un système libéral où l’importance de la rentabilité financière prime et leur fait préférer les soins élaborés et coûteux à ceux d’un simple maintien de la bonne santé buccale de leurs patients.

Les soins étant insuffisamment remboursés, il s’agit, dit-il, d’une politique anti-pauvres. Il ajoute que l’état des dents étant un marqueur social, rien ne trahit plus ouvertement le régime inégalitaire qui gouverne nos vies, ici ravagées par des problèmes de dents insolubles et souvent très douloureux.

Il affirme que le système est vicié, ne serait-ce qu’à cause de la voracité chronophage de l’organisation capitaliste autour de la complexité du métier qui ne permet pas de soigner à bas coût.

Il évoque longuement l’aventure de milliers de patients qui ont confié leurs dents à un centre de soins, soi-disant non lucratif, ouvert selon la loi Bachelot de 2009 qui n’exigeait aucun contrôle de l’ARS, et qui se sont retrouvés ruinés par un carnage dentaire aux dégâts monstrueux. L’action collective qui s’en est suivie – et qui est allée en deux ans jusqu’à l’IGAS – n’a pas pu obtenir une prise en charge intégrale des réparations indispensables, toujours à cause de prix plafonds insuffisants.

Il souligne que transformer le système imposerait de transformer la société, notamment pour avoir la maitrise des coûts de production. Il ajoute que les dentistes sont contraints à mal travailler.

De nombreux exemples effrayants émaillent cet ouvrage très documenté, qui prouvent la catastrophe que représente le système de soins dentaires en France pour les pauvres, les démunis, les migrants, tous ceux qui n’ont absolument pas les moyens de mettre la main à la poche pour se soigner.

L’auteur termine sa démonstration par l’exposé du système de soins dentaires aux États-Unis, pire encore que le nôtre car encore plus commercial. Ce n’est pas hélas une consolation.

Agnès de Vulpillières

Editions La Découverte – 2021 – 286 p.