Un homme, un sans-domicile, s’enfuit de la maison de repos où il avait été interné : on avait voulu lui servir une assiette de soupe froide, un repas qu’on ne donnerait même pas à un chien. Et puis, il y a ce médecin qui lui a diagnostiqué un cancer et qui veut l’opérer et lui retirer la moitié de la mandibule… Alors il s’est sauvé et erre, en pyjama et pieds nus, dans la nuit, sous la neige, en un long monologue où s’entremêlent ses souvenirs, ses coups de gueule, sa force aussi, pour résister et essayer de rejoindre l’hôpital où il était soigné avant d’être envoyé en maison de repos.

C’est la rencontre avec deux hommes, vivant à la rue, qui a conduit l’auteur, médecin, à réaliser cette bande dessinée, pour témoigner de l’aspiration de tout homme, même et surtout celui qui a tout perdu, à faire reconnaître sa dignité.

On est très vite entraîné par cet homme, dans ses souvenirs, ses réflexions, ses délires ou ses jeux de mots… Un homme qui se bat, qui a refusé la dernière humiliation et qui en paye le prix, en luttant seul.

Cet ouvrage nous entraîne auprès d’un de ces êtres qu’on évite si souvent, à qui on ne prête que si peu d’attention. Même s’il doit le payer très cher, c’est sa dignité que cet homme a voulu défendre en s’enfuyant, c’est à sa famille perdue qu’il rêve au milieu des bois, ces valeurs pour lesquelles luttent tant et tant de ceux qui subissent la misère.

Ronan Claure

Casterman – Écritures – 2003 – 124 p.