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Parias urbains,

Parias urbains,

Etat des lieux détaillé et aussi complet que possible des caractéristiques illustrant la marginalité à l’œuvre dans des quartiers emblématiques d’une forme d’apartheid (USA) ou d’une exclusion sociale (France).

Ghetto, Banlieues, État

Cet ouvrage approfondit des analyses, déjà formulées par l’auteur entre 1989 et 1997, à partir d’investigations dans un ghetto noir américain (Chicago, 1987-1992) et dans une banlieue ouvrière française (La Courneuve, 1989-1991)

Mêlant observations de terrain, données statistiques et rappels historiques, il livre un « état des lieux » détaillé et aussi complet que possible des caractéristiques illustrant la marginalité à l’œuvre dans ces quartiers emblématiques d’une forme d’apartheid (USA) ou d’une exclusion sociale (France)

Il s’attarde d’abord sur les facteurs qui ont contribué à façonner le double phénomène de sous-prolétarisation et d’« hyper ghettoïsation » aux USA : retrait de l’économie salariale et de l’ « Etat Providence », politique de ségrégation résidentielle et de désinvestissement public.

S’il y a des similarités apparentes entre ghettos américains et banlieues ouvrières françaises (zones défavorisées, enclaves à forte concentration de minorités, atmosphère morne et oppressante, handicaps sociaux, stigmatisation…), celles-ci ne peuvent être assimilées à des ghettos à l’américaine. Il n’y a dans les cités françaises ni « une formation sociale homogène, qui serait porteuse d’une identité culturelle unitaire, fondée sur un clivage entre races », ni une démission des pouvoirs publics. Parler d’un ghetto français serait, pour Loïc Wacquant, un contresens sociologique.

Mais on y assiste certes à une décomposition d’anciens territoires ouvriers sous l’effet conjoint de la désindustrialisation, de la précarisation du travail et du brassage ethnique de populations.

Il n’en reste pas moins que la comparaison souligne, des deux côtés de l’Atlantique, « le rôle déterminant des structures et des politiques étatiques dans l’articulation des inégalités de classe, de lieu et d’origine ». Il y a de part et d’autre, toutes proportions gardées, un contexte propice à ce que l’auteur appelle une « marginalité avancée » : instabilité du salariat, recul de l’État social, concentration dans des lieux mal famés de « catégories dépourvues d’un langage collectif leur permettant de se forger une identité commune et d’affirmer des revendications collectives ».

Face à ce défi historique que la « marginalité avancée » lance aux sociétés démocratiques, l’auteur en appelle à des innovations radicales et à une révolution des politiques publiques, comme par exemple l’instauration d’un salaire du citoyen (pour découpler la subsistance du travail), l’accès gratuit à l’enseignement et à la formation tout au long de la vie, la garantie universelle de jouissance des biens publics essentiels (logement, santé, transport…)

Loïc Wacquant, professeur de sociologie à l’Université de Californie (Berkeley) et chercheur au Centre de sociologie européenne, nourrit par cet ouvrage, parfois difficile à lire mais stimulant, la compréhension de ce qui consolide au cœur de nos sociétés la mise en échec du « vivre ensemble ». Il est aussi l’auteur de « Les prisons de la misère » (1999).

Daniel Fayard

Editions La Découverte – 2006 – 332 p.

Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 202 : Le 17 octobre : un monde pour vivre ensemble demain