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Mères et bébés sans-papiers

Mères et bébés sans-papiers

Ce qui frappe à la lecture de cet ouvrage collectif c'est le regard neuf, empathique sans compassion, sur ces femmes en errance, dans une France qui n'a plus grand-chose d'accueillant.

Une nouvelle clinique à l’épreuve de l’errance et de l’invisibilité ?

Les intervenants témoignent de la double violence subie par ces mères qui, souvent, ont fui une situation intenable dans leur propre pays, dans l’espoir d’un ailleurs où l’arbitraire et le mépris de l’être humain céderaient la place au droit.

Écrits à plusieurs voix par des juristes, des professionnels de santé, des travailleurs sociaux et des anthropologues, ces textes nous interrogent sur le lien entre des lois toujours plus excluantes et la clinique confrontée à la réalité de femmes enceintes toujours plus précarisées car clandestines, exclues du lien social et définies en une expression : « sans-papiers ». Or ces femmes, toutes singulières, bien vivantes, peuvent être amenées à une destruction programmée sans le secours de professionnels qui sortent parfois de leur rôle face à la détresse de leurs patientes.

Un juriste énumère les pratiques administratives fort peu soucieuses du droit de vivre en famille, l’arbitraire des guichets, l’exclusion progressive de la plupart des droits sociaux qui ont de graves conséquences sanitaires et psychiques sur ces femmes et leur bébé. Il rappelle les lois récentes de notre pays renforçant l’exclusion et mettant à mal la possibilité d’écouter, de soigner, d’entourer avec bienveillance des mères et leur bébé totalement fragilisés.

Le lecteur entre dans un univers où se mêlent des paroles de soignants à la recherche d’une refondation de dignité pour ces femmes dont le corps, parfois devenu invisible, est exclu par le corps social. L’analyse des effets ravageurs du regard social et politique sur le psychisme de milliers de femmes et sur les liens à tisser avec leurs enfants à venir met l’accent sur le paradoxe de leur « invisibilité » et de leur « survisibilité ».

Lorsqu’il nous est rappelé l’importance du contexte sociopolitique sur la construction psychique de chaque sujet, on peut s’inquiéter sur le devenir de ces enfants de mères sans droits qui auront grandi dans l’invisibilité, l’insécurité, le contrôle et la contrainte permanente.

Le plus déroutant dans cette polyphonie d’articles est le regard en miroir de ces professionnels confrontés à des patientes qu’ils aimeraient voir être semblables à toutes leurs patientes dans leur rapport au soin. Or ces patientes sans-papiers voient leur devenir sujet de souffrance.

De nombreux auteurs insistent pourtant sur les forces vives de ces mères qui devront créer des liens avec leur bébé, sur leur capacité à se reconstruire une histoire. Il y est même question d’exil comme expérience dynamique de réaménagement psychique dans la mesure où le droit commun s’appliquerait à tous.

Perrine Levasseur

Éditions Érès – 1001 BB – 2012 – 245 p.