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Merci les pauvres !

Merci les pauvres !

L'existence des pauvres "est socialement désirée par pratiquement tout le reste de la population, elle est voulue sans doute inconsciemment par une société qui ne veut pas se passer d'eux mais qui se fait croire le contraire".

L’auteur définit d’abord la pauvreté « comme menace d’être considéré comme improductif, celle qui consiste à n’avoir pas les moyens de changer quoi que ce soit à sa situation sociale ou à son destin, la pauvreté comme liberté donnée sans les moyens d’en profiter; cette pauvreté-là, avec la crise, est en train d’atteindre l’ensemble des classes moyennes en les enveloppant peu à peu de son lourd manteau de frustrations. »

Il développe ensuite ses arguments sur l’utilité des pauvres.
Les pauvres sont de bons travailleurs : « Les pauvres travaillent, directement ou indirectement, pour les riches. Et ils font pour eux les tâches que ces derniers ne veulent pas s’abaisser à faire. »

Les pauvres sont de bons consommateurs : « Le loisir formaté est devenu l’outil avec lequel le capital non seulement s’enrichit et s’accroît, mais fait aussi oublier aux masses laborieuses leur conditions de vie dégradantes et leurs vies de travailleurs exploités. » « Donnez 100 euros supplémentaires à un riche, il les épargnera très certainement. Donnez-les à un pauvre, il les consommera sans délai, dans la mesure où tous ses besoins sont encore loin d’être satisfaits. »

Les pauvres sont de bons écologistes : « Le fait que les riches, dont les besoins sont aussi illimités que ceux des pauvres aient la possibilité de les satisfaire les rend bien plus nuisibles écologiquement parlant que les pauvres. »

Les pauvres sont de bons citoyens : « Chaque pauvre coûte moins cher à éduquer, à former, à soigner et à laisser vivre, de manière générale, que n’importe quel riche. Certes il existe quelques profiteurs qui abusent des aides sociales. Mais à eux tous, ils coûtent moins cher à l’État que les évadés fiscaux et les experts des divers niches fiscales ».

Les pauvres ont de vraies limites : « La différence de niveau de vie est sans doute celle qui structure et organise le plus les rapports sociaux. […] Les riches ne coexistent avec eux [les pauvres] en général que dans un rapport utilitariste, lorsque ces derniers leur servent à quelque chose, et en premier lieu de domestiques. »[…] « La folie dans laquelle plonge notre humanité, en résumé, ne vient pas de l’envie des pauvres de s’enrichir un peu, mais de celle des riches de s’enrichir toujours plus, au-delà de toute limite raisonnable. »

Les pauvres sont des inadaptés ordinaires : « Plus les inégalités croissent, plus les exigences de productivité, de compétitivité et de sélection s’imposent, plus augmente la masse des individus qui ne sont pas vraiment capables de suivre les normes de performance du système. »
Il faut aussi en finir avec la fiction de la méritocratie : « La promesse démocratique de la réussite comme récompense de l’effort ne peut plus être tenue pour un trop grand nombre de personnes […] Désormais, chacun n’a que ce qu’il hérite et non pas ce qu’il mérite. »
 » Le vrai défi démocratique à venir est là : est-il possible d’apprendre à vivre avec les différences sans les hiérarchiser, sans les transformer en inégalités ? »

« Demander que l’on supprime […] toute forme d’enrichissement soudaine et démesurée, ce n’est pas tuer LE rêve. C’est tuer une promesse de démesure qui ronge les individus et les empêche de s’intéresser à ce qui pourrait les faire véritablement grandir : je parle de maîtriser leur capacité à avoir de l’importance pour les autres et à être une personne qui compte pour eux […] Car notre seule richesse est de compter pour les autres. C’est tout ce qui compte pour nous, que l’on soit riche ou pauvre. »

Jean-Pierre Touchard, Annick Mellerio

Editions L’Harmattan – 2018 – 193 p.