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L’urgence sociale en action

L’urgence sociale en action

Une enquête rigoureuse sur les modes d’intervention du Samusocial, les difficultés et les contradictions, tant du point de vue moral et social que du point de vue politique, tant du côté des intervenants et des "maraudeurs", que du côté des sans-abri.

Ethnographie du Samusocial de Paris

Une demande d’enquête de l’Observatoire du Samusocial sur le refus d’hébergement, manifesté par certains SDF, est à l’origine de ce livre : il remettait en cause le bien fondé de cet organisme. Devant la nécessité d’en comprendre les causes, cette étude s’est vite transformée en une enquête approfondie sur les activités concrètes des équipes mobiles du Samusocial. Deux sociologues ont ainsi suivi au plus près les pérégrinations des maraudes dans Paris. Il faut aussi souligner le choix du terme « ethnographie » dans le sous-titre qui correspond bien à une analyse descriptive des usages et des activités d’un groupe humain, en l’occurrence celui des intervenants de terrain.

La mission officielle du Samusocial est d’aider des personnes sans logement, en particulier les grands exclus, ceux qui ne demandent plus rien. Le livre aborde ainsi la question SDF en tant que problème public, l’urgence sociale en étant la réponse morale et politique.

Le premier chapitre décrit le processus qui part de la plateforme du 115, centre de réception des appels des personnes à la rue et des signalements par des tiers, qui régule les interventions des équipes mobiles d’aide sur Paris, à bord de camions comprenant un chauffeur, un infirmier et un travailleur social.

Les autres chapitres nous font partager les expériences que vivent les maraudeurs : ce qui est en prise avec l’affectif, les épreuves morales au contact des personnes en grande détresse, les conflits de comportement entre une attitude uniquement technique et une attitude d’empathie ou de partage émotionnel. « La situation des intervenants du Samusocial est une situation impossible, pleine de contradictions. Et pourtant ils les assument » affirment les auteurs. Le chapitre intitulé La moralité en actes explique comment les maraudeurs en viennent à adopter des manières de faire à partir de leurs expériences : approcher sans offenser, faire dire sans soutirer, proposer sans imposer, servir sans s’asservir, quitter sans délaisser.

Le Samusocial assume une mission humanitaire en tentant de répondre à des besoins primaires : proposer un abri, une aide sociale, médicale, ou matérielle. Il cherche aussi à recréer des liens sociaux et à favoriser la réinsertion.

Les sociologues ont dû confronter toute une littérature concourant à la condamnation politique des démarches du Samusocial. Ce fut le cas en particulier de l’hébergement d’urgence, assimilé à un système de maltraitance ; ou encore de l’urgence sociale réduite à une déviance du charity business. Le souci des auteurs était de garder distance aussi bien avec les récits hagiographiques qu’avec les critiques et condamnations, et de mener une analyse des forces et des faiblesses du dispositif, « en partant de l’expérience quotidienne de la maraude ». Sans prendre parti, le projet de cette enquête ethnographique est cependant politique : il a pour ligne directrice explicite la situation des agents du Samusocial, face aux tensions du contexte social dans lesquels ils évoluent. Il s’agit avant tout « comprendre comment cette politique est aujourd’hui mise en œuvre, comment les intervenants eux-mêmes se débrouillent avec les ambivalences de ce qu’ils font ». Ceux-ci sont d’ailleurs tout à fait conscients des difficultés actuelles de la société et du manque de moyens pour traiter les problèmes sociaux et leurs conséquences.

Le nombre de notes et de références bibliographiques tout au long de l’ouvrage en fait plutôt un outil pour chercheurs et universitaires. La compréhension de certains passages nécessite la connaissance de thèses sociologiques antérieures.

La Découverte – Bibliothèque du Mauss – 2011 – 575 pages