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Les pauvres : interdits de spiritualité ?

Les pauvres : interdits de spiritualité ?

Gwennola Rimbaut, théologienne de métier, met en évidence des éléments de la pensée théologique de chrétiens vivant dans la grande pauvreté. Elle le fait à partir de transcriptions d’échanges entre eux.

La foi des chrétiens du Quart Monde

Ces personnes ont été réunies par les Sœurs de la Bonne Nouvelle dont le « but est de rassembler les chrétiens à partir des plus pauvres pour que riches et pauvres marchent ensemble vers le Royaume, et qu’ainsi ils soient ensemble Signes de l’Unité voulue par le Christ »… « Dans un premier temps, [elles rassemblent] les familles du Quart Monde et [organisent] des échanges où chacun peut s’exprimer personnellement autour d’un texte de la Bible ou un autre texte ». Les membres de ces groupes et les sœurs ont été impliqués de différentes manières dans ce travail à toutes ses étapes.

Cette recherche rassemble en quatre grandes parties l’expression multiple et diverse de la parole de personnes pauvres dans leur prière et leur expérience de foi :
– Diversité des itinéraires dans une foi qui cherche Dieu au cœur de la souffrance.
– De Jésus-Christ souffrant comme nous ouvrant au pardon de tous.
– Construire une vie fraternelle, en société et en Église.
– Interpellations théologiques et pastorales à l’écoute d ces chrétiens du Quart Monde.

La rigueur de ce travail impressionne. Si l’étude des transcriptions des paroles des participants a demandé un gros effort de systématisation qui rend parfois la lecture fastidieuse, il en émerge quelques convictions et attitudes spirituelles profondes de ces chrétiens. Dieu est perçu comme proche des pauvres et attentif à eux. Jésus s’est fait vraiment l’un d’eux, partageant le mépris dont ils souffrent, très particulièrement dans les souffrances de sa croix et du rejet de sa personne qu’elle manifeste. Le pardon que Jésus en croix demande à son Père pour ceux qui le condamnent « parce qu’ils ne savent ce qu’ils font » est pour beaucoup une véritable libération intérieure et induit la certitude de la bonté de Dieu prêt à tout pardonner. Pour ces personnes, enfin, l’Église est un lieu de communion, comme dans une famille. Par contre, souligne l’auteur, ces personnes ne parlent pratiquement jamais d’action collective pour lutter contre l’injustice sociale, une des sources pourtant de leurs propres souffrance et exclusion. L’une ou l’autre, participant à d’autres groupes ou associations, comme ATD Quart Monde, y font cependant parfois allusion. Leur foi se vit dans cet engagement et le nourrit.

Dans la quatrième partie, Gwennola Rimbaut parle de la nécessité absolue pour l’Église du témoignage de foi des chrétiens vivant dans la grande précarité. Dans l’Évangile on lit, en effet : « La Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (cf. Lc 4,18 et Lc 7, 22). « Il est évident que seules les personnes concernées peuvent attester du salut en Dieu, en particulier dans les lieux les plus méprisés de la société », écrit l’auteur. Cherchant une expression plus satisfaisante pour « option préférentielle des pauvres » elle propose de parler plutôt d’un choix des pauvres par Dieu « pour annoncer aux autres, à ceux qui s’ignorent pauvres, en raison peut-être de leurs richesses concrètes, cette gratuité de l’amour inconditionnel de Dieu qui solidarise tous les hommes ». C’est dire que les pauvres sont des « interlocuteurs indispensables de toutes les communautés chrétiennes ».

Comme l’écrit Étienne Grieu dans sa préface « ce travail fait résonner la voix des pauvres et met en relief quelques- uns des traits du visage de Dieu tel qu’il se révèle à eux ».

Jean Lecuit

L’Harmattan – Ethique, Handicap et Société – Faculté de théologie de l’Uco-Angers – 2009 – 276 pages

Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 216 : Ressources pour l’action