Entrez votre recherche ci-dessous :

Les pauvres et leur histoire

Les pauvres et leur histoire

A travers des portraits des humbles et des anonymes, l'auteur écrit une autre histoire de la pauvreté, plus humaine et plus juste, plus près des réalités.

De Jean Valjean à l’abbé Pierre

L’auteur, professeur d’histoire contemporaine à l’Institut catholique, déclare dès l’introduction :  » j’ai voulu dans le présent ouvrage, nommer et prénommer la foule des pauvres que j’ai tirés des ténèbres de l’histoire ». Il se réclame du Père Wresinski, qu’il cite souvent, pour encourager les pauvres à s’ancrer dans leur histoire familiale, à former un peuple pour ressaisir leurs droits et leur dignité. Il retrace les cohortes des pauvres depuis l’Ancien Régime, non libérés par la Révolution, malgré la création d’une assistance publique en 1796, jusqu’aux prolétaires de l’ère industrielle qui produisent mais ne possèdent pas et n’ont aucune protection ; et enfin les nouveaux pauvres, condamnés à la précarité, sans avenir, et de plus en plus nombreux.

Dans la première partie, il se penche sur l’indigent, le miséreux, dont la santé défaillante anticipe même la misère, et qui était, avant la déchristianisation, réparti en deux groupes : le vagabond, fainéant, sans aveu, personne ne répondant de sa bonne vie, et le mendiant paroissial, qui permettait aux riches de faire la charité. Pour Thiers il fallait se résigner à la pauvreté de certains, car la distribution des biens en vue d’une égalité générale appauvrirait tout le monde.

La deuxième partie traite du prolétaire, soumis au jeu de l’offre et de la demande, à la merci du patron, sans protection sociale, sans indemnité de chômage, sans droit d’association jusqu’en 1848. Mais ce sont les femmes, dans les ateliers du textile ou travaillant à domicile, et les enfants, qui étaient les plus exploités et sous-payés. Le chômage, précipitant dans la misère des familles entières, a sévi lors des crises de 1846, 1906, 1929-1936, et 1950. Les prolétaires recoururent de plus en plus à des révoltes et à des grèves avec la naissance des syndicats (la CGT dès 1895).

Dans la troisième partie, l’auteur met l’accent sur les plus faibles des indigents : les femmes, souvent domestiques, ceux qui sont sujets aux épidémies et à la tuberculose, les enfants souffrant de rachitisme, les vieillards pauvres, les invalides hébergés dans des hospices. Il cite encore les veuves de guerre, les vagabonds, les gagne-petit, portefaix, allumeurs de réverbères, porteurs d’eau, ramasseuses de cendres…

La quatrième partie insiste sur le fait que les plus pauvres sont des êtres souffrants : de la faim liée à des disettes et plus généralement d’une « faim lente », tant ils se privent quotidiennement. L’assistance médicale gratuite pour les indigents n’a été instaurée qu’en 1895.

La cinquième partie concerne la nouvelle pauvreté, restée cachée même pendant les Trente Glorieuses, en raison du manque de logement social, de la précarité des emplois, des crises industrielles privant de travail des millions de salariés. Sont intervenus alors de grands combattants de la pauvreté : l’abbé Pierre, fondant Emmaüs, Mgr Rodhain, fondant le Secours catholique, Joseph Wresinski s’intégrant à ceux du camp de Noisy-le-Grand, se faisant leur porte-parole au Conseil économique et social jusqu’en 1988, et confiant sa succession à Geneviève de Gaulle-Anthonioz.

Dans sa conclusion, l’auteur rappelle la chronologie des événements et présente des statistiques alarmantes : quatre millions de personnes sous le seuil de pauvreté, plus de trois millions de mal-logés, alors que 10% des français possèdent 46% des richesses.

Clémence Boyer

Bayard – 2005 – 316 p.

Voir également l’entretien avec Pierre Pierrard dans la Revue Quart Monde n° 196.