Entrez votre recherche ci-dessous :

Les inaudibles

Les inaudibles

Une enquête sociologique sur les personnes qui fréquentent régulièrement deux sites d'aide sociale : un centre de distribution alimentaire à Saint Denis, où ce sont plutôt des femmes, un centre d'accueil de jour à Paris qui s'adresse surtout à des hommes âgés.

Sociologie politique des précaires

« Cette population est très hétérogène : des mamans célibataires qui ne s’en sortent pas, des immigrés de fraîche date sans réseau de relations, des chômeurs en fin de droits, des personnes sans emploi juste avant la retraite, des retraités avec une trop petite pension… Chaque jour est un combat pour survivre. Beaucoup d’entre eux sont « tombés » dans la précarité alors qu’ils avaient une vie « normale ».

Ils ont une chose en commun : un ras-le-bol à l’égard de Nicolas Sarkozy, qualifié de « président des riches ». Pour eux, la gauche c’est tout de même mieux car elle défend les petits et se bat pour la justice. Même si Hollande ne fait pas rêver, il apparaît « moins pire ». Enfin, une grosse minorité exprime une certaine sympathie pour Marine Le Pen. L’idée qu’il y a trop d’étrangers, d’immigrés, fait son chemin. Par contre rares sont ceux qui iront jusqu’à voter FN.

Beaucoup cherchent à s’informer, par la radio et les journaux gratuits. Ils ont beaucoup à dire, ils ont des idées sur la politique mais ne savent pas à qui s’adresser. Beaucoup ne sont pas inscrits sur les listes électorales parce qu’ils changent d’hôtel ou sortent de prison et que les formalités sont trop compliquées.

La lutte pour la survie quotidienne est tellement prenante qu’on n’a guère constaté de solidarité. Ils sont en concurrence pour les aides. En plus, un système comme le RSA est terrible car il crée des effets de seuil. Ceux qui ont le plus de ressentiment sont les travailleurs pauvres : « Mon mari travaille comme un fou et on n’y arrive pas, alors qu’au RSA, ils s’en sortent mieux »… Cependant c’est chez les femmes qu’on voit poindre un sentiment, fragile, de solidarité surtout chez les mères seules qui se battent comme des folles pour qu’on ne leur enlève pas leurs enfants. »

Extraits de l’interview de Nonna Mayer dans Feuille de route, juin 2015

Presses de Sciences Po – Académique – 2015 – 291 p.