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L’entrepreneuriat féminin en Afrique, entre bricolage et survie

L’entrepreneuriat féminin en Afrique, entre bricolage et survie

Ce recueil d’articles est un hommage aux femmes qui rendent possible la vie des autres…

Ce livre rassemble les communications de différents chercheurs sur l’entrepreneuriat féminin en Afrique ; le Dr Nene Kane qui l’a coordonné est professeur à l’université de Nouakchott en Mauritanie et ancien ministre des Affaires sociales, de l’enfance et de la famille.

Le sujet assez général montre la variété des situations des femmes qui créent une activité rémunératrice, selon qu’elles vivent dans un pays où il existe déjà des entreprises ouvertes sur le monde, où la religion leur permet de travailler, où elles sont éduquées, voire diplômées, même si cette dernière situation est rare et ne concerne pas la moitié des cas étudiés.
L’abondante littérature sur la place des femmes dans l’économie est convoquée par ces chercheurs en sciences sociales. Les 3 E, pour Entreprise, Entrepreneur et Environnement sont à la base de la création d’entreprise pour l’un des penseurs cité dans le prologue. Dans sa postface, synthèse des articles, le même auteur montre que ce sont les 3 C de Créativité, Croissance et Courage qui sont les mots clés caractérisant le travail indépendant féminin : la réalité rentre peu encore dans les schémas théoriques des universitaires.

Au fil des communications, le lecteur prend conscience de l’écart immense entre les situations décrites et des points communs qui apparaissent irrémédiablement :
L’économie même informelle repose sur un minimum de connaissances, alors que bien des filles ne sont pas ou plus scolarisées dans plusieurs pays d’Afrique. Le besoin de formation est premier.
Dans les pays qui comptent des femmes diplômées cherchant à créer une entreprise dans le cadre officiel et légal, les chances d’être soutenues par les banques ou l’administration ne sont pas les mêmes pour elles que pour les hommes… Même si certains chercheurs ont pu se poser la question de leur(s) motivation(s), dans la plupart des cas, les femmes qui se lancent et créent un petit commerce le font par nécessité, pour nourrir leur famille, qu’elles en soient le chef ou pas. Il en est même qui s’exilent, parce que le pays voisin peut leur offrir davantage d’occasions de gains : c’est le cas des femmes togolaises Kotokoli qui vendent de la nourriture à Niamey ou à Ouagadougou où les femmes, en majorité musulmanes, sont moins autorisées à travailler à l’extérieur de leur foyer.

On peut parler souvent d’« entrepreneuriat de survie ». D’autres termes émergent, qui enrichissent et nuancent l’idée que nous nous en faisons : l’« économie frugale », née de la rareté des ressources, consiste à faire mieux avec les mêmes ressources, innover, créer : une « stratégie d’adaptation flexible et prévoyante » illustrée par le suivi de quelques femmes au Cameroun. Cette appellation est novatrice, proche du terme « bricolage », utilisé par C. Lévi-Strauss et repris pour une étude à Thiès au Sénégal.

En conclusion, ce recueil d’articles est un hommage aux femmes qui rendent possible la vie des autres… En ce sens la question de savoir si l’altruisme est à la base de leur action paraît à la fois pertinente et vaine, une question de chercheur qui questionne la réalité, même s’il en paraît fort éloigné.

Catherine Cugnet

L’Harmattan – 2021 – 260 p.

Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 262 : En scène ! S’émanciper par le théâtre