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Le mythe du développement

Le mythe du développement

Les économies non viables du XXIème siècle

Parmi tous les ouvrages consacrés au développement, celui de Oswaldo de Rivero, aujourd’hui ambassadeur du Pérou auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), est à distinguer car il apporte l’éclairage tout à fait intéressant d’un diplomate qui dit avoir, depuis une trentaine d’années, « assisté au déclin progressif du pouvoir de négociation » de son pays. Car, comme beaucoup d’autres, celui-ci se trouve en décalage avec la marche de l’économie mondiale moderne.

Ce livre aborde les risques de non-viabilité encourus par la majorité des Etats-nations d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique qui aujourd’hui connaissent les niveaux de consommation par habitant les plus bas au monde en même temps que les taux de croissance démographique urbaine les plus élevés. Dans ces conditions c’est leur survie même qui est en jeu, au-delà des questions que l’on peut légitimement se poser quand on rêve pour eux – et quand ils rêvent eux-mêmes – à la possibilité d’une prospérité analogue à celle que connaissent les pays dits développés (ce développement-là n’est-il pas un mythe ?). Par exemple : Comment attirer des investissements étrangers pour les libérer du piège de l’exportation de matières premières et de produits peu transformés alors que le capital transnational ne cherche plus à y investir ? Comment faire pour y embaucher des centaines de millions de personnes alors que la technologie moderne tend à réduire l’emploi ? Comment faire pour que leurs presque cinq milliards d’habitants disposent suffisamment de revenus pour s’intégrer au capitalisme mondial en tant que consommateurs ? Et comment ceux-ci pourraient-ils adopter le mode de consommation actuel de seulement un milliard d’habitants des sociétés capitalistes avancées sans causer une véritable catastrophe écologique ?

Leur survie en tant qu’Etats-nations c’est d’abord une double maîtrise à promouvoir : celle de leur démographie et celle de leur approvisionnement en eau, en nourriture et en énergie de base. Mais les « gourous » de la globalisation, en professant un marché totalement libre tout en édictant des règles qui restreignent la libre circulation de leurs travailleurs et les empêchent de créer chez eux des emplois dont ils puissent vivre dignement, les soumettent à une sujétion dont ils ne pourront s’affranchir qu’aux calendes grecques. Ces Etats-nations sont devenus ingouvernables : leur peuple et leur gouvernement n’ont aucune prise sur les forces et les tendances à l’œuvre, diligentées par une coalition d’intérêts entre les grandes puissances industrialisées et les plus puissantes transnationales. Pour les dirigeants de ces dernières, qui ne se sentent responsables qu’envers leurs actionnaires, les problèmes sociaux, économiques et écologiques mondiaux relèvent exclusivement des gouvernements qui doivent les résoudre sans nuire à leurs affaires, avec l’aide humanitaire éventuelle des ONG et des institutions financières internationales.

Vision pessimiste ? Pas vraiment, car l’auteur en attend un sursaut salutaire si du moins prévaut une grande concertation démocratique entre les gouvernements, les partis politiques, les gens d’affaires, le mouvement ouvrier, la communauté intellectuelle et la société civile en général pour faire progresser le respect des droits de l’homme partout dans le monde et au sein de chaque Etat-nation.

Daniel Fayard

Ed. de l’Atelier – Enjeux Planète – 2003 – 241 p.

Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 190 : Choisir d’agir.