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Le marché

Le marché

L'auteure, historienne, explore toutes les facettes du marché et son potentiel de libération pour les pauvres. Un ouvrage instructif et passionnant pour mieux comprendre le développement des échanges marchands et en quoi ils ont vocation à consolider la démocratie.

Histoire et usages d’une conquête sociale

A travers l’évolution des doctrines religieuses ou philosophiques, des théories économiques, des pratiques sociales, et malgré les résistances de certaines autorités hiérarchiques, on voit progressivement naître et croître la fonction économique des marchands, leur pénétration des milieux urbains, la multiplication de leurs réseaux commerciaux au-delà des frontières. La problématique de la fixation des prix est abondamment illustrée ainsi que l’enjeu déterminant du recours au prêt et au crédit.

Un aspect très intéressant de ce livre est de rappeler avec insistance le lien entre le marché et la lutte contre la pauvreté. Celui qui dispose enfin de quelque bien ou de quelque monnaie peut commencer à subvenir à ses besoins. Il s’agit bien d’une conquête que d’accéder ainsi à des échanges au lieu et place des pillages qui vous déshonorent et des dons qui vous humilient. En effet, historiquement le marché a permis aux individus de s’émanciper des tutelles féodales, de marchander entre eux, de passer contrat, etc. Pour l’auteure, le marché exerce un « pouvoir libérateur ». Il est un « développeur d’égalité » et même « un ferment de démocratie ».

Encore faut-il pouvoir entrer dans le marché ! Si la démocratie c’est la capacité de donner à chacun la possibilité de participer à la vie civile, alors un état démocratique se doit d’être solidaire, de garantir à chacun un minimum de ressources. Une personne trop démunie de ressources pour pouvoir accéder aux échanges marchands se voit contrainte pour survivre de se marchandiser elle-même, de se prostituer, de vendre ses organes ou ses enfants, de se faire exploiter par d’autres, de voler ou de mendier. Ce qui est inacceptable pour une société démocratique.

Or le libre accès de tous au marché, qui aurait pu être rendu possible par le droit de tous à un travail décent et/ou à une garantie de ressources, et ainsi devenir un pilier de la coexistence de citoyens reconnus dans leur égale dignité, se voit en quelque sorte perverti à cause des appropriations privées du marché par les plus gros et les plus puissants, par ceux qui estiment que la rémunération du capital est plus importante que celle du travail.

En conclusion, Laurence Fontaine pose cette question : « Comment faire du marché un bien public, où s’appliqueraient les lois communes de la justice ? » Elle n’y répond pas vraiment. Sans doute n’est-ce pas de son ressort d’historienne. Mais elle déplore les dérives financières contemporaines. Celles-ci l’incitent à vouloir remettre le consommateur au centre du marché et ancrer ce dernier dans le respect des droits de l’homme.

Extraits du compte rendu dans la Revue Projet n° 346

Daniel Fayard

Éditions Gallimard – 2014 – 442 p.