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Le Dieu qui ne compte pas

Le Dieu qui ne compte pas

Le souci des plus pauvres fait émerger un monde nouveau.

A l’écoute des humiliés et des boiteux.

Comme l’auteur l’indique lui-même, cet ouvrage a été, pour une part, composé à partir de textes déjà publiés ou donnés sous forme de conférence, mais retravaillés afin de forger un ensemble cohérent.

La thèse que nous soutiendrons ici – dans le sillage du père Joseph Wresinski et d’ATD Quart Monde – c’est que la priorité au plus pauvre constitue une « utopie » susceptible de revitaliser les démocraties, actuellement en crise profonde…, un aiguillon qui, impitoyablement, critique, stimule, relance la réflexion et des débats, en fonction d’une exigence que l’on tient pour cruciale car elle indique l’horizon vers lequel la vie ensemble doit se diriger si elle veut n’oublier personne… En clair, le souci des plus pauvres fait émerger un monde nouveau.

La réflexion de l’auteur, théologien et recteur du Centre Sèvres, se fonde sur une relecture du quatrième chant du serviteur dans le livre d’Isaïe et des textes évangéliques. D’où il ressort que Jésus a probablement reçu la figure du serviteur souffrant esquissée par Isaïe avant de s’identifier entièrement à elle, avec l’aide des personnes « méprisées », « laissées de côté », « familières de la souffrance » qu’il a rencontrées. Celles-ci se présentent à lui comme des êtres suppliants, exténués ou possédés. Leur détresse est telle qu’elles s’en remettent à lui, en dernier recours, pour être guéries et sauvées. En accédant à leur demande, en reconnaissant leur foi, Jésus initie ses disciples à une fraternité, à une communauté de destin avec elles.

Il s’ensuit qu’il faut revoir notre compréhension de l’Eglise. Elle est constituée, c’est vrai, des disciples du Christ, mais en tant qu’ils se laissent toucher par les appels des suppliants, par la plainte silencieuse des êtres exténués, et par les expressions intempestives et désordonnées des possédés. Pour le dire autrement : chaque fois que, comme disciples, nous nous montrons hermétiques à ces appels et à ces cris, nous nous retrouvons en réalité parmi les opposants au Christ. Et l’auteur de conclure : le tout est de s’en rendre compte ! Il n’y aura pas de réconciliation de l’humanité sans rejoindre ce Dieu qui s’est identifié à « ceux qui ne comptent pas ». Sans eux, l’annonce de la Bonne Nouvelle est compromise.

Le point de vue développé par l’auteur semble s’adresser aux chrétiens. S’il est nourri effectivement de références bibliques et de paroles de personnes très démunies recueillies dans de nombreux groupes porteurs de spiritualité évangélique, il n’en revêt pas moins une dimension universelle, chaque lecteur pouvant à son tour à s’interroger, à travers ses croyances, ses opinions, ses pratiques et ses engagements, sur la relation qu’il entretient avec les plus pauvres, « à l’écoute des humiliés et des boiteux ».

Un livre à lire, à méditer, à partager avec d’autres, ne serait-ce que pour mesurer si nous souscrivons au même degré d’« utopie » que l’auteur.

Daniel Fayard

Éditions Salvator – Forum – 2023 – 206 p.