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La légende d’une servante

La légende d’une servante

Une saga familiale et historique où la grande force de l’auteur est d’écrire tout en finesse.

Quel talent, quelle pudeur à nous conter la vie de la petite Luisa, née à Magalita de San Pedro, île minuscule des Caraïbes hispaniques, où sont restés son cœur, ses rêves et sa « Nana », sa grand-mère et son refuge.

Fuyant la révolution, en pleine dépression économique, ils émigrent aux Etats-Unis, aboutissent au « Barrio » de New York, quartier hispanique misérable. Quelques années après, sa mère succombera, très jeune encore, elle avait 33 ans et Luisa en avait 16. Le père reste, toujours aussi peu présent.

Pour sortir du ghetto, pour échapper au travail réservé aux gens de couleur, pénible, dégradant, humiliant, Luisa, toujours aussi indépendante, choisit le métier de « bonne », au moins là, c’est clair et net, elle assumera sa condition de femme métisse.

Elle tombe plutôt bien, souvent chez des employeurs singuliers ou fantasques, mais jamais caricaturaux. Tous, malgré leur affection parfois, restent néanmoins des patrons.

Luisa, comme lorsqu’elle était enfant dans son île, observe, croque, partage, refuse, affectionne, tombe et se redresse ; subit, comme les autres Américains, la guerre, le maccarthysme et enfin le rêve américain de convertir le monde à la consommation, mais reste droite et fière, digne et libre.

C’est une saga familiale et historique où la grande force de l’auteur est d’écrire tout en finesse, avec poésie même. Parfois drôle malgré le tragique, ce récit habilement construit, avec une intelligence très humaine, saisit les regards, les visages, les situations, les détails quotidiens pour nous les révéler à nous-mêmes, pour ouvrir nos regards. Sa tendresse, sans concession pourtant, parvient à solliciter notre intelligence, à nous attacher à ses personnages, à nous brosser une humanité universelle dans ses attentes et ses résistances.

Un grand auteur, un grand livre captivant, stimulant, convaincant qui nous atteint en profondeur, pour longtemps…

Jean Monge

Ed. Joëlle Losfeld – 2005 – 432 pages.

Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 198 : Littérature et misère : quelles rencontres ?