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Faut-il un revenu universel ?

Faut-il un revenu universel ?

La création d’un revenu universel a été débattue lors des présidentielles de 2017 : utopie, nécessité inéluctable ou instrument de substitution au système de protection sociale ? Ce petit livre décrit précisément chaque projet, mais fait la part belle aux raisons de ne pas y croire. Un outil de réflexion bienvenu pour poursuivre le débat.

Qu’il se traduise par « revenu universel d’existence », « allocation universelle », « revenu de base » ou « de citoyenneté », le revenu universel demeure l’objet de nombreux débats, quelques soient les orientations politiques. En effet, sa mise en œuvre « universelle » interpelle aussi bien les questions de la solidarité publique, de la persistance du chômage, des inégalités croissantes, du maintien d’une grande partie de la population dans un état de pauvreté face à l’extrême richesse d’une partie de la société, que de la place du travail. Son adoption serait-elle à même de répondre à ces problèmes ?

La première partie du livre décrit les différents projets, parmi lesquels :
– Celui des néolibéraux, (inspiré de l’impôt négatif de Milton Friedman), qui prévoit un revenu socle qui se substitue à certains minima sociaux ainsi qu’aux allocations familiales ; ce revenu bénéficiant aux riches comme aux pauvres ; son principe est d’annuler les aides ‘inefficaces’ de l’État et de libérer les entreprises de l’obligation de cotiser ;
– Celui de la droite républicaine, de 470 € mensuel, en remplacement de certains minima sociaux.
– Celui des socialistes proposé pour contrecarrer la raréfaction du travail et la révolution numérique.

Sont également développées les raisons de l’engouement actuel pour le revenu universel qui serait ainsi présenté comme une réponse aux défaillances du système de protection sociale, incapable de lutter contre la remontée des inégalités et de la pauvreté, contre la précarisation des emplois, la hausse du chômage, la stagnation des salaires et l’inefficacité de certains minima sociaux …

La deuxième partie de l’ouvrage, la plus fournie, développe les critiques et les raisons de ne pas croire au bien fondé de cette mesure. En premier lieu, les auteurs soulignent qu’elle constitue un déni de la place du travail dans la société, place aujourd’hui contestée qui « s’explique par le peu de considération accordée aux travailleurs », la critique majeure étant « d’oublier ou de nier que le travail constitue toujours un facteur d’intégration dans la société. ». C’est aussi accroître le risque de libéraliser le marché du travail à outrance, une manière de développer la flexi-sécurité, (promesses de flexibilité tenues et sécurité non-tenues). L’un des représentants des néo-libéraux affirmait dernièrement que « le Smic est une aberration économique » !

« Au vu de la situation sociale très dégradée, on ne peut en rester à une critique du revenu universel », d’où cette troisième partie, sans doute la plus intéressante, où les auteurs prennent le parti de relancer et de défendre un projet de société, en réaffirmant les solidarités afin d’assurer à chacun un revenu minimum décent, par progression des minima sociaux, et de restaurer le principe de notre constitution : un  » droit à l’emploi pour chacun ».

Ils proposent un nouveau modèle productif :
– en relançant la perspective de réduction du temps de travail ;
– en orientant la production vers les opportunités de la transition écologique, créatrice d’emplois ;
– en développant et améliorant les services publics ;
– en améliorant les conditions de travail des salariés et en renforçant leurs droits et leur pouvoir dans l’entreprise.

Le débat sur le revenu universel a au moins le mérite « de poser la question de la société que nous voulons ».

Jean-Pierre Touchard

Éditions de l’Atelier – Les Économistes atterrés. La Fondation Copernic – 2017 – 143 p.

Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 246 : Ni potence, ni pitié !