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Étienne de Silhouette (1709-1767)

Étienne de Silhouette (1709-1767)

Trente ans avant la Révolution, un ministre des finances tente de corriger les inégalités dans le royaume de France.

Le ministre banni de l’histoire de France

Étienne de Silhouette naît en 1709 dans une famille de petite noblesse : son père est trésorier principal des guerres et directeur général des recettes de Limoges. Un « petit âge glaciaire » se répand sur l’Europe, provoquant famines et épidémies. En janvier, il fait moins vingt six degrés à Versailles.

Formé dans un collège tenu par les jésuites, c’est un élève passionné par les études et doué d’une exceptionnelle force de travail. Il est très tôt sensible à la misère dans laquelle vit la population, par contraste avec le faste dont s’entourent les aristocrates.

Il découvre l’oeuvre de Confucius : « Le moyen le plus sûr de s’attirer l’amour des peuples est de diminuer les impôts et le nombre de ceux qui vivent aux dépends du public ». Il publie son premier ouvrage à 20 ans : Idée générale du gouvernement et de la morale des Chinois, tirée des ouvrages de Confucius.

Révolté par l’injuste répartition des richesses, il est nommé contrôleur général des finances le 7 mars 1759, à un moment où les finances du royaume sont minées par la guerre contre les Anglais et où les prêteurs se font rares. Il est convaincu que ces fortes inégalités mettent en péril la royauté elle-même et Louis XV, inquiet, le soutient pour un temps.

Au lieu d’augmenter les impôts comme l’ont fait tous ses prédécesseurs, il prend deux types de mesure :
– limiter les dépenses en supprimant toutes les pensions qui ne correspondent pas à un service rendu et toutes les exemptions fiscales relatives à la taille au moins jusqu’à la fin de la guerre. Il diminue même les dépenses du roi, en particulier celles de sa table de jeu.
– augmenter les ressources en récupérant la moitié des gains des fermiers généraux au profit de l’État et en faisant contrôler leurs comptes par des commissaires.

L’aristocratie réagit par des libelles, des pamphlets et des chansons qui circulent dans Paris, ridiculisant le ministre des finances. La mode des pantalons sans poche est baptisée à la Silhouette puisque qu’on ne peut avoir d’argent sur soi. Les portraits en ombre portée sur une feuille blanche prennent le nom du contrôleur des finances.
Silhouette doit lutter désormais contre une coalition de castes, aux intérêts souvent divergents : la grande noblesse, la haute finance et le parti dévot. Cette coalition obtient finalement du Roi la démission du ministre le 21 novembre 1759, huit mois après sa nomination.

Il faudra attendre la Révolution pour que le programme de Silhouette soit repris et que le clergé et la noblesse contribuent à l’impôt. A la même époque le nom commun silhouette rentre dans le dictionnaire, faisant disparaître de l’histoire et des mémoires un ministre exceptionnel.

Annick Mellerio

La Découverte, 2018, 221 p.