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Et ils dansaient le dimanche

Et ils dansaient le dimanche

Un beau roman sur la vie quotidienne d’immigrées, hongroises ou italiennes, embauchées dans une usine de viscose où les conditions très dures font monter la révolte jusqu’au Front Populaire.

L’auteur a choisi un cadre historique bien précis pour ce roman : la vie en France des ouvriers qui travaillent dans les usines de fabrication de la viscose, quand le travail de la soie périclite, et la montée des soulèvements populaires qui aboutira au Front Populaire en 1936.
Ce récit dense décrit ces quelques années de la vie d’une jeune hongroise venue pour échapper à la condition paysanne dans une famille très pauvre et rude.

Fibre synthétique mise au point à la fin du XIXe siècle pour contourner les aléas et le coût de la fabrication de la soie naturelle, la viscose demandait à l’époque une main d’œuvre nombreuse. La vie des ouvriers et ouvrières était rude, horaires de travail lourds, salaire réduit par la moindre « faute », comme dans toutes les usines à l’époque. Pour fabriquer la viscose, ils respiraient des vapeurs d’acide nécessaire à la décomposition des fibres de bois.
Dans les usines textiles de la région lyonnaise, les industriels recrutaient beaucoup d’immigrés italiens fuyant le fascisme. A la fermeture de l’usine française en Hongrie, ils ont proposé aux ouvriers qu’ils débauchaient de venir travailler en France ; cette proposition a pu séduire des jeunes sans grand avenir dans les zones rurales hongroises, comme Szonja et sa cousine qui s’exilent avec l’espoir d’un avenir meilleur.
D’emblée les deux cousines se trouvent dans des états d’esprit différents : Szonja est prête à tout supporter pour ne pas avoir à retourner dans sa famille en Hongrie, elle se conforme à ce qui est attendu d’elle pour rester, en s’oubliant littéralement, alors que sa cousine guette les opportunités d’une vie facile et plutôt luxueuse selon l’image de la France qu’elle a importée.
Ce n’est donc pas elle qui soutient notre héroïne qui se lie très lentement avec d’autres femmes, italiennes souvent. Une solidarité se construit entre elles et leur famille, entre gens qui se connaissent au travail qui occupe tout leur temps et toute leur énergie.
Sauf le dimanche… Ce jour-là les prêtres catholiques essaient d’inciter les ouvriers à sauver leur âme, mais certains préfèrent les petits bals populaires… Les limites du quartier connu autour de l’usine s’éloignent… Les rencontres se multiplient.
Ces regroupements enflent et dépassent le cadre de l’entreprise et de la ville quand la grogne monte et que des représentants politiques émergent, appelant les ouvriers à la lutte pour améliorer leurs conditions de vie…
Szonja suit puis embrasse le mouvement, les barrières qu’elle s’était elle-même imposées tombent en même temps que l’ordre social établi, la chronique de la vie dans ce microcosme rejoint la Grande Histoire.

Mais l’auteur est bien une romancière poète, et son récit minutieusement nourri par un savoir sur ces évènements s’attache avant tout à l’éclosion du personnage principal, qui émeut forcément le lecteur : combien de Szonja ont traversé l’Histoire ?

Catherine Cugnet

Liana Levi – 2021 – 240 p.