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Des hommes en trop

Des hommes en trop

L'existence de mendiants et de vagabonds est de toutes les époques dans la mesure où les sociétés, en voulant s'organiser, génèrent des «laissés-pour-comptes». Ceux-ci sont le signe des limites et des insuffisances de cette organisation et des pouvoirs en place qui ont toujours cherché à «régler le problème», soit par la répression, soit par la sollicitude.

Essai sur le vagabondage et la mendicité

L’auteur nous présente tout d’abord une histoire juridique du vagabondage et de la mendicité. De l’Antiquité à nos jours, toutes les époques sont passées en revue et fournissent sur le sujet quantité de mesures de police, d’ordonnances royales, de décrets, de lois pénales. On aboutit au Code Pénal du 1er mars 1994 dans lequel, pour la première fois, vagabondage et mendicité ne sont plus des délits. Mais de nombreux arrêtés municipaux les interdisant, furent promulgués au cours de l’été 1995. Ce que l’on retient de cette longue jurisprudence c’est qu’en fait «les pouvoirs publics ont toujours été relativement démunis face à l’errance et à la manche. A certaines époques, la charité a pris l’allure de répression, à d’autres l’appareil répressif a revêtu un caractère d’assistance».

Puis Julien Damon étudie la période charnière de la fin du XIXe siècle au cours de laquelle, face au nombre croissant de pauvres en cette époque d’urbanisation et d’industrialisation, on voit s’affirmer une rigueur jamais atteinte.

A travers tout l’Histoire, des constantes se dégagent :
– De tout temps on a cherché à compter les pauvres : volonté qui se heurte a des problèmes de statistique, de méthode et d’éthique.
– On a cherché des définitions précises de la pauvreté, par exemple pour le terme SDF très employé aujourd’hui.
– On a cherché à distinguer les faux pauvres des vrais, les mauvais des bons, le vrai pauvres au chômage du mendiant oisif, aujourd’hui on parlerait d’insérable et de non insérable.
– Enfin, on s’est posé la question du logement comme moyen d’éviter l’errance et favoriser l’accession à la citoyenneté.

Ainsi se dégage «un modèle, éternel, de fonctionnement de l’action collective qui permet de comprendre la permanence des difficultés à réguler ou éradiquer le vagabondage» :
– gestion en «ping-pong» des communautés locales, … on renvoie les pauvres vers d’autres.
– réponses d’urgence des pouvoirs publics, au coup par coup.
– quasi absence d’un appareil préventif face à un appareil répressif largement suffisant.

Enfin, l’auteur étudie les thèmes de l’exclusion, de la citoyenneté et le problème de l’Etat au centre de toute tentative de réforme sérieuse qui nécessite un profond renouveau politico-administratif.

Un livre bien documenté, une «étude rigoureuse et froide d’un sujet sensible et brûlant». On n’y trouve pas de solutions mais des éléments de comparaison, d’informations pour éclairer le débat sur l’exclusion. Le point de vue juridique rend la lecture parfois austère.

Jean-Jacques Boureau

Editions de l’ Aube – 1996 – 132 p.

Compte-rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 158 : La dignité, référence pour la loi.