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Boy Diola

Boy Diola

Le récit de la vie de son père, Apéraw Diémé, - on l'appelait "Boy Diola" en Casamance - une existence fragmentée, pleine d'allers-retours et de ruptures : une vie à Aulnay-sous-Bois, interrompue par plusieurs retours au pays des Diola.

« Ne me fatigue pas avec ça, ne m’emmerde pas avec ces histoires. C’est les Blancs qui sont venus nous ramasser ». C’est ainsi qu’Apéraw, en colère, s’adresse à son fils, Yancouba, l’auteur, qui a cherché à tout connaître de la vie de cet homme déraciné.

« Mon numéro c’est 44 » répond son père lorsqu’on lui demande son âge! Il est sûrement né avant 1944 affirme son fils : « on lui a attribué cette date avant son départ pour la France ». Car on ne fête jamais les anniversaires chez eux. Apéraw ne connaît pas davantage l’âge de ses enfants.

Tout le récit alterne entre la vie d’émigré en France, et plusieurs visites nostalgiques à Kagnarou, son village de Casamance, où il retrouve les anciens, les « Kounifaanaw » : « les années d’usine n’ont jamais effacé les paysages de la brousse dans ses yeux ». Le roman est parsemé de termes propres à cette région du sud du Sénégal et à cette ethnie Diola.

Les réflexions en aparté de l’auteur interrompent souvent le récit. Ainsi à l’âge de 11 ans, son père l’emmène quelques jours pour revoir la famille. L’accueil de la communauté est unanime : on l’interroge « ta maison c’est où ? », il répond « c’est Kagnarou », car répondre Aulnay-sous-Bois n’avait aucun sens…

En 1977, Apéraw est embauché chez Citroën. Sur sa fiche d’embauche, à la rubrique horaires, il avait coché « matin, après-midi, nuit »… on avait rajouté « peu importe ». Le chef d’équipe fait les gros bras et pousse à augmenter les cadences : « on dirait que c’est l’usine à son père » dit-il. Crise ou pas crise, « par jour, ils doivent sortir 400 voitures ».
Après 14 ans de travail à la chaîne il est licencié.

Il se reconvertit alors en obtenant sa carte de commerçant ambulant pour vendre des objets divers, des fringues ou des bijoux de fantaisie. De cette époque l’auteur garde en tête l’image de son père portant plusieurs sacs-poubelle : « dans ma vie, il n’y a pas d’image plus violente, de honte plus profonde ». Il retrouve un travail d’intérimaire dans le nettoyage des avions à Roissy en 1998.

Ce n’est qu’au deux tiers du roman que l’auteur nous décrit la décision de son père, alors apprenti mécanicien à Dakar, de partir à l’étranger. Après plusieurs tentatives pour monter à bord des bateaux en partance, il parvient à se faire embarquer. Ces 8 jours de traversée jusqu’à Marseille constitue l’un des chapitres les plus émouvants.

Jean-Pierre Touchard

Flammarion – 2019 – 190 p.