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Bitna, sous le ciel de Séoul

Bitna, sous le ciel de Séoul

Un étonnant florilège d'aventures humaines insolites qui déroutent, vous envahissent !

Une jeune étudiante coréenne sans-le-sou, fille de marchands de poissons, découvre Séoul, un univers loin de son sud natal. Le récit, sur fond du dépaysement qu’impose cette nouvelle vie, dépend alors tout entier du choix qu’elle a fait de répondre à la petite annonce d’une femme paralysée, Salomé, qui « attend celui ou celle qui viendra lui raconter le monde », moyennant salaire. Bitna va ainsi devenir conteuse.

La trame du récit et de ses chapitres formeront donc autant de contes que la jeune coréenne devra inventer à chaque rencontre avec la malade. Poésie et charme seront toujours au rendez-vous, tel par exemple le début du premier conte : « Au printemps, quand les bourgeons commencent à sortir et que souffle le vent de l’envie des fleurs, Mr. Cho sort les cages de ses pigeons sur le toit de l’immeuble…  » Ainsi commence l’histoire de cet homme dont la seule activité est de soigner et d’entraîner ses pigeons voyageurs, prétexte à raconter la jeunesse de Mr. Cho à la fin de la guerre de Corée, la vie des paysans à cette époque, l’exode de sa mère passant la ligne de démarcation, le plan de la ville vue du ciel et bien d’autres choses encore.

Salomé, immobilisée par la maladie, sous le charme du récit, en réclame souvent la suite avec insistance ou au contraire l’interrompt en raison de sa fatigue. A la fin de chaque conte, on partage les conversations entre la conteuse et Salomé, et aussi entre toutes les personnes présentes. C’est en particulier le cas dans celui qui décrit l’arrivée de Kitty, une chatte, dans le salon de coiffure de Mme Lim ! Les commentaires vont bon train à son sujet; petit à petit cette arrivée apparaît mystérieuse ! « Kitty n’est pas venue par hasard »; « Elle est porteuse de messages », allant chez l’un ou chez l’autre – on la dit « voyageuse » – « tissant une trame de relations entre des gens qui ne se connaissaient pas »! Mme Lim en perd le sommeil…

Une autre histoire, celle de Naomi, petite fille abandonnée devant la porte d’une maternité qu’une infirmière, qui n’a jamais pu avoir d’enfant, enlève pour lui assurer un avenir. Naomi avait un cri particulier, strident comme un appel au secours : l’étrange s’installe à nouveau.

D’autres histoires encore : celle de l’apprenti meurtrier, celle de Nabi chanteuse célèbre, abandonnée par son public, devenue clocharde, celle des deux Dragons, celle de l’homme qui suit Bitna partout dans la ville, celle du retour des pigeons de Mr. Cho vers son village natal; et celle du geai de Naomi devenue adolescente : « la seule histoire vraie ! Je ne veux pas dire que les autres histoires […] étaient fausses, mais je les ai arrangées pour qu’elles lui plaisent [à Salomé], j’ai ajouté des petits mots doux, des petits mots durs, pour qu’elle comprenne que ça se passe dans le monde qu’elle ne connaît pas, […] Le monde qui est cruel et égoïste ».

Tout au long du récit, de ce « roman » (puisqu’ainsi nommé en couverture), les éléments, les personnages, les situations de chaque conte en viennent à se mêler ou à interférer entre eux : Mr. Cho sauve Nabi la chanteuse déchue, l’homme qui suivait Bitna était sans doute rétribué par Salomé pour la surveiller… les relations deviennent de plus en plus imbriquées, étrangement dépendantes les unes les autres, s’immisçant dans la vie réelle… De fait professe Bitna : « moi je suis plutôt du côté des bouddhistes, […] je crois que la vie est un océan qui nous baigne tous, […] je crois aussi que nous sommes tous liés les uns aux autres ».

Jean Pierre Touchard

Éditions Stock – 2018 – 220 p.