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Vers un nouveau capitalisme
Description
Titre original : Creating a world without poverty
Le thème du discours de réception du prix Nobel de Muhammad Yunus, en annexe du livre, est révélateur de son contenu : « La pauvreté est une menace pour la paix ». Le texte va en effet à l’encontre de ce qu’on appelle le capitalisme, l’auteur se définissant résolument contre sa seule mission, maximiser le profit. Cet ouvrage décrit bien les différents aspects de l’activité et des conceptions de M. Yunus, tout au long des dernières décennies : celui-ci a commencé à prêter de l’argent aux pauvres, et surtout aux femmes, depuis plus de trente ans, selon le principe du microcrédit. Lors du sommet du microcrédit en 2006, on pouvait ainsi annoncer que plus de 100 millions de pauvres dans le monde en avaient bénéficié.
Le microcrédit aide à la création d’une petite activité économique en accordant des prêts d’un montant réduit, de 30 ou 40 $, sans exiger de garantie… Ce principe est fondé sur l’idée que « de nombreux pauvres sont capables d’utiliser cette somme pour lancer une activité qui leur permette de sortir de la pauvreté ». L’un des impacts sociaux de ce mode de prêt fait prendre conscience que la sortie de la pauvreté n’est pas la création d’emplois, mais l’encouragement au travail indépendant, ce qui s’est trouvé particulièrement vrai pour les femmes qui produisent des biens et des services : « J’ai compris, dit l’auteur, comment le concept d’entreprise pouvait être reformulé en déconnectant la notion d’investissement de celle de retour financier sur investissement ».
Tout cela est illustré à partir du parcours des entreprises « Grameen » (qui signifie « village »), en particulier de la « Grameen Bank ». Créée en 1983, pour développer les services de microcrédit, elle est à l’origine d’un gigantesque semis d’entreprises dans de nombreux domaines : soins médicaux, technologies de l’information, énergies renouvelables, pisciculture, protection de l’environnement, alimentation… Toutes ces entreprises, plus de 25 à présent, gardent le préfixe dans leur nom : Grameen Trust (pour l’assistance technique), Grameen Krishi (pour l’agriculture)… jusqu’aux dernières Grameen Healthcare (services de santé pour les pauvres) et Grameen Danone en 2007 (pour l’alimentation des enfants).
Le récit de la création et du lancement de cette dernière, l’un des fils conducteurs de l’ouvrage, est le résultat de la rencontre de l’auteur avec le PDG de Danone, Frank Riboud, qui n’a pas hésité à entreprendre la mise en place d’un social-business suivant les règles imposées. Un social-business est une société qui ne distribue pas de dividendes. Elle vend ses produits à des prix qui lui permettent de s’autofinancer. Ses propriétaires ne peuvent récupérer la somme investie qu’au bout d’un certain laps de temps. Nulle part de profit ne leur est servie. Les profits réalisés ne servent exclusivement qu’à financer son expansion, à créer de nouveaux produits ou services.
Dans le dernier chapitre, Un monde sans pauvreté, l’auteur développe plusieurs propositions pour supprimer la pauvreté, remettant en cause nos habitudes de consommation et nos croyances dans la loi du marché et de la croissance sans frein. « Dans les circonstances actuelles, je crois qu’il est temps de penser à limiter la liberté des nations qui consomment ou gaspillent les ressources naturelles » nous dit l’auteur. Ce n’est pas uniquement lié à la grande pauvreté, mais les arguments et les convictions de Muhammad Yunus dans sa lutte contre la pauvreté donnent espoir. Sa remise en cause du modèle actuel du capitalisme aussi.
Jean-Pierre Touchard
Éditions JC Lattès – 2008 – 384 p.