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Un monde de bidonvilles
Description
Migrations et urbanisme informel
Si la population urbaine mondiale est devenue majoritaire – l’ONU a annoncé qu’il y avait 50 % d’urbains sur terre dès 2008 – le nombre de personnes vivant en bidonvilles dépasse dorénavant le milliard. L’ONU a annoncé que cette population pourrait atteindre 1,4 milliard en 2020 ! De fait au moins un quart de la population urbaine vit dans des bidonvilles.
Et ce sont les pauvres qui participeront essentiellement à la croissance urbaine, principalement dans les pays pauvres ! Cette évolution est telle que l’auteur parle de bidonvillisation du monde !
Du point de vue statistique, si l’expertise internationale se concentre sur les pays en voie de développement, au niveau européen et en France « il n’y a aucun chiffre valable ». Si la France a beaucoup investi dans la lutte contre les bidonvilles dans les années 1970-1980, l’approche actuelle est basée sur celle de la Fondation Abbé Pierre qui analyse uniquement la situation des « défavorisés du logement » sans aborder le problème des bidonvilles, et ce malgré le constat d’un renouveau de ce phénomène. Au niveau international, l’un des indicateurs des Objectifs de développement durable proposait en 2015 d’assurer « l’accès de tous à un logement et à des services de base adéquats et sûrs, à un coût abordable… » d’ici 2030.
Tout un chapitre est consacré à l’étude comparative des bidonvilles suivant leur forme, leur géographie, les conditions de vie des habitants, les politiques qui les concernent. S’il n’y a pas de modèle unique, certaines constantes peuvent être déduites, en particulier dans ceux d’Asie et d’Afrique :
– une majorité des populations est issue de l’exode rural et par conséquent originaire du pays ;
– une grande majorité de la population des métropoles y habite ;
– la principale motivation des ruraux est la recherche d’une vie meilleure, d’un travail, d’opportunités…
En France la situation n’a rien de comparable. L’auteur souligne que ce sont surtout « les réceptacles d’une immigration mal maîtrisée » prenant une tournure très particulière baptisée « crise des migrants » depuis 2010 ; « le sujet dépasse largement les compétences hexagonales », ces nouvelles migrations étant « très mal gérées au niveau européen ». Par contre, la situation des bidonvilles de certaines villes des DOM se rapprocherait de celle des pays en voie de développement…
L’une des originalités de cet essai se situe dans l’approche adoptée par l’auteur et précisée dans le dernier chapitre au titre provocateur le bidonville, une ville durable ? Quelle est la principale fonction urbaine de ces espaces : transit ou installation des populations ? Autrement dit « sas » de passage pour un autre espace ou « nasse » de pauvreté ? Fonctionnellement, c’est le lieu d’un premier accueil, mais le plus souvent un sas pour aller en ville. On ne peut seulement dénoncer les conditions de vie dégradée des bidonvilliens sans réfléchir à leurs motivations et à leurs manières de vivre cette situation. Sans nier ce que les bidonvilles concentrent de problèmes, de souffrances et de violences, ce ne sont pas uniquement des lieux de misère et d’insalubrité ; ce sont aussi des lieux où s’inventent des manières de vivre frugales, économes en ressources et en énergie ! L’auteur résume ainsi les types d’innovation qu’on y rencontre : « dans une certaine mesure, les bidonvilles possèdent les traits de ce que les urbanistes, élus et consultants aiment décrire comme une ville durable » !
Un récent changement de regard rencontré en particulier dans les instances internationales.
Jean-Pierre Touchard
Éditions du Seuil – La République des idées – 2017 – 116 p.