Bibliographie
Accueil / Bibliographie / Rue Duplessis. Ma petite noirceur

Rue Duplessis. Ma petite noirceur
- Sociologie, Famille
Description
Un roman ? Mais tous les noms de personnes et de lieux sont bien réels !
Une autobiographie ? Mais les faits rapportés n’obéissent pas vraiment à une chronologie !
Une histoire ? Oui, celle d’une déchirure sociale, celle d’un « transfuge de classe » !
Québécois, né d’un père analphabète et d’une mère peu scolarisée, Jean-Philippe a grandi à Drummondville, rue Duplessis, dans une famille ouvrière. Après des études universitaires en sociologie, il est devenu animateur de radio. Ce parcours a fait de lui un étranger au monde d’où il vient, sans vraiment l’assimiler à celui dans lequel il a abouti. Affectivement et psychologiquement, il vit une incessante « migration intérieure » entre les deux, parfois de façon violente, car il ne renie pas les siens (bien au contraire) et ne dénigre pas son nouveau milieu. Il en tire plutôt des « vérités sociologiques » de portée plus générale. « Mes parents et moi sommes des types sociaux et nos histoires parlent de phénomènes qui dépassent largement nos vies ordinaires ».
Il arrive que dans son récit il s’adresse directement à son père ou à sa mère. Ou bien il fait place à leurs propos, comme ici : « Ce que ton père pis moi on a vécu, y’a plein de gens d’ici qui l’ont subi aussi…ça prendrait quelqu’un pour raconter ça un jour ». On peut dire que Jean-Philippe Pleau a honoré ce message.
Ce livre est une illustration de ces tensions vécues au quotidien. Autant de chapitres, autant de scènes de vie significatives de toutes ces distances sociales douloureusement ressenties dans le passé qui refont surface à l’occasion d’un lieu revisité, d’une parole proférée, d’une amitié avortée, d’un fait divers, ou même dans le simple déplacement d’un espace culturel à un autre. Reviviscence pérenne de la honte intériorisée avec son lot de peurs et de craintes, puis de la honte d’avoir eu honte quand peut surgir la fierté. On peut dire que la littérature et la sociologie ont été pour Jean-Philippe de puissants vecteurs pour ce passage libérateur.
Il s’est naturellement trouvé des affinités avec d’autres parcours analogues au sien comme ceux de Edouard Louis, Didier Eribon, Annie Ernaux en France…, Nesrine Slaoui, Gérald Bronner, Fernand Dumont, Caroline Dawson, Mélanie Michaud, Alexie Morin au Canada…, aussi avec d’autres analyses sociologiques comme celles de Pierre Bourdieu.
Daniel Fayard
Montréal. Lux éditeur – 2024 – 323 p.