Bibliographie
Les veilleurs
Analyse
« Tu sais, quelqu’un qui naît dans la galère, qui grandit dans la souffrance, à un moment donné, il a envie d’en sortir. Même s’il n’a qu’une petite chose à lui, il va la gaspiller pour s’en sortir. » Ces mots, ce sont ceux de Saliou, l’un des « veilleurs » dont l’autrice dresse le portrait.
Comme beaucoup de ses amis, Saliou a quitté son pays, le Sénégal, pour tenter de venir en Europe. Au bout de deux ans, il a finalement décidé d’abandonner, de revenir au Sénégal pour « apporter autre chose face à ce système vraiment pas approprié pour une vie humaine ». Alors, Saliou « lutte pour la dignité de l’être humain ». Comme les autres « veilleurs », il est en contact avec les migrants qui veulent prendre la mer, leur donne la météo marine pour prévenir les naufrages, alerte les secours et, bien trop souvent, entre en contact avec les proches qui recherchent des naufragés. « À chaque récit que me relatent les veilleurs, je mesure le gouffre entre la réalité dont ils sont témoins et celle dont rendent compte les médias. Combien de morts invisibles y a-t-il derrière chaque mort signalée dans la presse ? », s’interroge Taina Tervonen.
Avec un smartphone et les réseaux sociaux, Saliou, les deux Marie, Hervé et Maria réussissent parfois « là où les institutions échouent », en répondant simplement aux questions que se posent ceux qui se nomment les « aventuriers de la migration », en écoutant leurs besoins, leurs rêves et leurs peurs, en tentant parfois de faire venir plus rapidement les secours. « Derrière les personnes qui disparaissent en mer, laissant leurs proches démunis, sans corps à enterrer, il y a l’injustice de la liberté de circulation, octroyée ou déniée selon le passeport dont on dispose. […] Les morts et les disparus aux frontières ne sont pas une fatalité, ils sont la conséquence de choix politiques faits en notre nom », constate amèrement l’autrice.
Julie Clair-Robelet
Éditions Marchialy – 2025 – 224 p.
