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Le placement d’enfants et les familles
- Enfance, Famille
Description
Isabelle Delens-Ravier est chargée de recherche au département de criminologie et de droit pénal de l’Université catholique de Louvain. Elle analyse, à partir d’interviews prolongées, le vécu des parents d’enfants placés, le sens profond de leurs conduites et les stratégies qu’ils mettent en place pour réagir à cet événement douloureux, notamment en ce qui concerne les plus pauvres.
Elle montre tout d’abord combien cette séparation contrainte est source de souffrance. Pour les parents vivant dans la précarité – principalement les victimes de la mesure – être parents constitue leur seule identité sociale qui se trouve déniée par le placement, rendant la séparation encore plus douloureuse.
Tous les parents ne développent pas le même type de stratégie. Leurs réactions dépendent surtout de ce que représente le placement dans leur parcours personnel. Elles sont de trois types :
– la résignation impuissante, chez les parents « sans prise », qui ont été placés eux-mêmes et ont vécu cette séparation comme un manque d’amour, une restriction de leur liberté et « une étiquette impossible à décoller ». Ils n’ont pas d’identification possible à un modèle familial. Ils mettent en place une stratégie de défense (comportement de repli, de soumission, de dénégation et de fuite). « Ils sont dans une relation de total assujettissement aux décisions des agents institutionnels. »
– la colère, chez les parents qui n’admettent aucune intrusion dans leur sphère familiale. Ils ont un modèle familial idéal : les enfants doivent vivre avec leurs parents. Une remise en cause est vécue comme agressive et injustifiée. Ils développent une stratégie de contournement.
– la négociation. Elle est possible pour les parents qui ont développé un lien familial fort avec leur mère, d’où leur modèle familial idéalisé : la mère se préoccupe de ses enfants. Stratégie de dégagement (« La souplesse qui caractérise leur rapport à l’identité de parents leur permet de négocier la revalorisation de leur identité à l’intérieur de l’espace imposé par les agents institutionnels »).
L’auteur dénonce le paradoxe que constitue la mesure de placement : « La prise en charge des enfants par le placement fragilise les familles que l’intervention prétend aider. »
Mais rien n’est figé dans la typologie proposée par l’auteur : « Un retournement de la situation peut s’opérer à partir de rencontres et de regards qualifiants… ». Chaque groupe de parents possède des forces pouvant fonder une relation d’aide. En conclusion, il est nécessaire de revaloriser la fonction parentale, de développer un réel partenariat entre parents, jeunes et professionnels, « dans un esprit de revendication et de construction d’une société plus juste et plus équitable ».
Céline Pontais
Ed. Jeunesse et droit – 2001 – 176 p.
Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 179 : Projets familiaux