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La puissance des pauvres
Description
Le livre est structuré en trois parties :
1. la pauvreté pourchassée par la misère.
– Qui sont ces pauvres à éradiquer ? Le langage économique définit la richesse, mais aussi la misère en termes quantitatifs, moins de 1$ par jour, et non comme l’affaiblissement de la puissance telle que la définit Spinoza : maîtrise et plénitude intérieure. A l’inverse, les sciences du marketing tendent à rendre les consommateurs de plus en plus dépendants. Par ailleurs, la solidarité qui permettait aux pauvres de survivre disparaît quand la nation s’enrichit.
– Rendre la pauvreté à la condition humaine : la croissance économique rend les pauvres dépendants d’objets de plus en plus coûteux tout en leur ôtant la possibilité de se défendre contre la misère par leurs propres moyens, en les enfermant dans une position d’assistés.
– Les auteurs opposent l’épistémè des pauvres – « ensemble de connaissances principalement orientées vers la recherche d’une vie conviviale et sobre » – à l’épistémè de domination : « ensemble des savoirs et pratiques des groupes dominants et privilégiés soucieux de maintenir leurs privilèges ». « Les partisans de la science économique expliquent la misère des poissons (les pauvres) non parce que l’eau leur est progressivement retirée, mais parce qu’ils n’ont pas encore acquis les poumons qui devraient leur permettre de respirer l’air de la rareté ».
2. Du colonialisme au développement.
– L’arrivée des machines a divisé la société entre des pauvres, dépendant de l’emploi, et des consommateurs, incapables de produire. Selon Gandhi « la machine permet à une petite minorité de vivre de l’exploitation des masses […] Or la force qui meut cette minorité n’est pas l’humanité ni l’amour du semblable mais la convoitise et l’avarice ».
– L’imposture du développement. Selon François Partant, « en prenant pour modèle ceux qui les exploitent, les pays du tiers monde s’intègrent dans le système d’exploitation : ils se sous-développent au profit de leur modèle ». La restructuration brutale de leur économie entraîne la constitution d’une petite classe extrêmement riche et accule à la misère la partie la plus pauvre de la population.
3. Devenirs révolutionnaires – Pauvreté et travail.
– L’apparition des nouvelles technologies, qui diminue le besoin de travail, aurait pu permettre à chacun un usage plus libre de ses capacités. Au contraire, la diminution de ce besoin rend les travailleurs totalement dépendants des capacités d’emploi, exploités, humiliés et finalement « exclus » de la société. « S’il vivait parmi nous, Spinoza inspirerait les “pauvres” et leurs amis à créer des sociétés d’un tout autre type, basées sur le libre déploiement de la puissance (potentia) de tous les membres dans le respect de leur parfaite singularité ».
– Changer de révolution : « Imposture de la pensée économiciste selon laquelle, pour empêcher les pauvres de tomber dans la misère, il faudrait les “aider” à devenir plus systématiquement dépendants de cela même qui les a acculés à cette misère, de cela aussi qui reste la cause principale de la diminution de leur puissance d’agir ».
Trois cas sont proposés en exemples :
– Celui des néozapatistes du Chiapas qui voulaient modifier la constitution mexicaine « afin d’établir clairement le respect de leurs cultures, de leurs langues ancestrales, de leurs principes politiques, de leurs coutumes, croyances et formes de dévotion et de leurs biens communaux ».
– La marche de 25000 paysans en Inde pour exiger le titre de propriété sur leur terre.
– Et celui du maire de Mouans-Sartoux : « Notre chance a sans aucun doute résidé dans notre pauvreté. Cela nous a donné l’obligation d’avoir des idées. Confrontés à cette menace d’expropriation, il nous a fallu lutter. Et nous l’avons emporté ».
Pour les auteurs, si la pauvreté continue d’être codifiée en termes d’aide ou de calculs économiques abstraits, des formes toujours plus pernicieuses de misère élargiront sans cesse l’abîme entre nantis et miséreux.
Annick Mellerio
Actes Sud – 2008 – 295 p.