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Dans la dèche à Paris et à Londres
- Ville, SDF
Description
Dans la première partie, Georges Orwell nous décrit la vie quotidienne à Paris d’un homme qui doit vivre dans la débine : « C’est la petitesse inhérente à la pauvreté que vous commencez par découvrir. Les expédients auxquels elle vous réduit, les mesquineries alambiquées, les économies de bouts de chandelle ». Il finit par trouver du travail comme plongeur : 14 à 17 heures de travail quotidien, dans une chaleur étouffante, avec des périodes où « nous devions agir comme s’il ne nous restait plus que cinq minutes à vivre », couchant dans le restaurant s’il avait raté la dernière rame de métro.
Dans le dernier chapitre, il nous livre ses réflexions sur ce travail de plongeur, véritable esclavage qui rend impossible toute pensée chez celui qui l’exécute et qui n’a, selon lui, aucune véritable utilité, si ce n’est d’occuper les classes « dangereuses ». Les gens intelligents « s’imaginent que toute bribe de liberté concédée aux pauvres menacerait la leur ». Ils voient les pauvres très différents d’eux alors que « le millionnaire moyen n’est rien d’autre que le plongeur moyen arborant un complet neuf. […] Tous ceux qui ont partagé, sans tricherie, la vie des pauvres savent fort bien cela. L’ennui est que l’homme intelligent et cultivé, l’homme chez qui on pourrait s’attendre à trouver des opinions libérales, cet homme évite soigneusement de frayer avec les pauvres ».
Arrivé ensuite à Londres, il doit subsister un mois avant de trouver un travail. Il troque d’abord un costume contre des vêtements de clochard : « Si je devais vivre un mois avec trente shillings, mieux valait porter de mauvais vêtements ». Il fréquente différents asiles de nuit en compagnie d’un chemineau et rencontre de nombreux personnages qui vivent de mendicité, parfois en échange de quelque chose : artiste du trottoir, photographe de rue, joueur d’orgue de barbarie etc… A Londres, il est impossible de s’asseoir sans payer, sinon vous risquez la prison.
Il nous livre là aussi ses réflexions sur cette expérience : « En tant que type social, un mendiant soutient avantageusement la comparaison avec quantité d’autres. Il est honnête, comparé aux vendeurs de la plupart des spécialités pharmaceutiques ; il a l’âme noble comparé au propriétaire d’un journal du dimanche ; il est aimable à côté d’un représentant de biens à crédit ». Selon lui, à une époque où « l’argent est devenu la pierre de touche de la vertu », le mendiant est méprisé parce qu’il a choisi un métier où il ne peut faire fortune. Quant au vagabond, il est contraint de se déplacer parce qu’il ne peut passer plus d’une nuit dans le même asile. Ils sont ainsi plusieurs dizaines de milliers de chemineaux obligés de sillonner l’Angleterre. « Un vagabond n’est pas autre chose qu’un Anglais sans travail, contraint par les lois à mener une vie de vagabond ». Son lot c’est la faim, l’absence totale de contact avec les femmes et l’oisiveté forcée.
Orwell propose qu’on installe une ferme ou un jardin près des asiles pour que les vagabonds puissent subvenir à leurs besoins, au moins de nourriture, à condition qu’il soit possible d’y rester pendant un mois ou un an.
Annick Mellerio
Éditions 10-18 – Domaine étranger – 2003 – 304 p.