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Babeuf Écrits
- Histoire, Philosophie
Description
Textes choisis de Gracchus Babeuf
La personnalité hors du commun de Babeuf a intéressé de nombreux historiens […]. D’une certaine manière, le XIXe siècle a « inventé » Babeuf en le construisant comme l’un des précurseurs du communisme, avec les réserves émises, comme on le sait, par Marx. Mais que lit-on de Babeuf, dont la pensée est trop souvent réduite au travail mis en forme par Sylvain Maréchal et connu sous le titre de « Manifeste des Égaux » ? Et peut-on encore l’associer à ce mot de communisme qu’on ne rencontre jamais sous sa plume ?
On trouvera dans ce volume près de 300 pages d’écrits de Babeuf, contextualisés et commentés par Claude Mazauric qui, par ailleurs, a rédigé une forte introduction prenant à la fois la forme d’une biographie classique et celle d’une biographie intellectuelle, élargie à une époque, la fin des Lumières qui voit Babeuf se former de manière plutôt autodidactique. On observe donc l’émergence du futur « Marat de Picardie », sa très forte sensibilité à l’inégalité, son parcours politique, sa progressive radicalisation, motivée par une déception croissante face aux tiédeurs réformatrices des révolutionnaires, y compris jacobins. En 1793, François-Noël devient Gracchus et entend agir pour la promotion de la loi agraire.
Le choix des textes rend à Babeuf toute sa place dans l’histoire des idées. La précocité et la radicalité de l’analyse sociale (dès les lettres de 1786-1787) sont frappantes, ainsi que la netteté de son plaidoyer en faveur des droits des femmes. On suit l’évolution de cette pensée qui se donne pour but « l’égalité de fait » ou la « pure égalité », incrimine les effets dissolvants de la propriété, placée au cœur de tout le système babouviste, en appelle à l’insurrection pacifique ou à la « Vendée plébéienne », condamne puis absout Robespierre, soutient puis combat le Directoire, accusé de faire régner une nouvelle Terreur dirigée contre le peuple, un autre mot-clé du vocabulaire babouviste. Hostile à la Terreur, Babeuf est, à sa manière, un thermidorien dont les positions apparaissent alors pour le moins contradictoires avec la « loi agraire »… Homme de presse, hostile à la violence et au massacre, le publiciste se fait le critique radical […] du « système de dépopulation » mené lors de la guerre civile de Vendée, applaudissant au passage à l’interdiction du club des Jacobins. Sur ces points au moins Babeuf annonce un certain nombre de théoriciens du socialisme dit utopique […].
Dans son avertissement, Claude Mazauric revient sur sa lecture passée de Babeuf : sans la renier, il explique en quoi cette lecture téléologique n’est plus recevable de nos jours, et c’est tout à son honneur […]. Lire Babeuf, c’est accepter de lire une pensée en perpétuelle interrogation, radicalement subversive en ce qu’elle soumet l’action politique à la question sociale. Mais, plus encore, lire Babeuf, c’est une invitation à débattre d’une question centrale : qu’est-ce qu’une révolution, et comme forme, et comme finalité ?
Extraits d’un article de Jean-Claude Caron dans la Revue d’histoire du XIXe siècle n° 40, 2010.
Le Temps des cerises – 2009 (4e édition) – 418 p.